mardi 31 décembre 2024

"Le Verbe s'est fait chair..." Bonne année!

 L'Evangile du dernier jour de l'année civile est celui du Prologue de l'Evangile de Jean, ce texte magnifique, sans doute tardif (fin Ier siècle ou même début IIème siècle), une méditation théologique sur ce qu'est le christianisme. Ce qu'est le christianisme... que n'a-t-on dit, glosé, médit et souvent de façon intellectuellement peu honnête, à ce sujet! "Une reprise de mythes anciens, une secte juive, une pure et simple invention, un  culte à mystères de plus, un délire, etc., etc..."

On rechigne à y voir la grandeur de l'amour, de l'agapè, ce don sans retour qui est fait à l'humanité par un Dieu qui se donne à connaître comme pur Don. Saint François d'Assise l'avait déjà déploré en son temps, qui se lamentait en disant : L'Amore non è amato! "L'Amour n'est pas aimé!"

Le Prologue de Jean nous remet devant les yeux la grandeur de ce Don : le Verbe, Parole puissante par qui tout existe, est devenu enfant, in-fans, celui qui n'a pas la parole, qui ne parle pas encore ou qui est prié de se taire. Ce faisant il a réinvesti la "chair" humaine en lui offrant une seconde naissance, une naissance en Dieu, et ceux qui accueillent cela en effet "ne sont pas nés de la chair et du sang, mais nés de Dieu!"  Celui qui accueille ce Don, il trouve en Dieu sa naissance, et cela change son existence entière, lui donnant sens, dans la double acception de "direction" et de "signification".

Nous voilà loin de considérations morales, sociologiques, psychologiques ou autres. Le christianisme n'est pas une morale, il est un salut, un exaucement du grand désir humain ("L'homme passe infiniment l'homme", dit une Pensée de Pascal) et aussi son exhaussement. En cela, il offre à tout être humain une liberté incroyable, la plus grande liberté possible, la liberté spirituelle.

Je crois toujours davantage, avec l'âge, qu'il n'y pas de plus grand bonheur que celui-là. On peut être privé de beaucoup de choses (santé, argent, relations humaines, paix intérieure et extérieure, tout ce qu'on veut), la petite musique chrétienne, même en sourdine, résonne toujours.

Je crois qu'en elle, en cette musique, est la source de l'Espérance dont le pape François a fait le thème de cette année jubilaire qui s'ouvre, 2025. Il y a toujours une Espérance, même quand humainement il n'y a plus d'espoir. Il y a toujours une Espérance, parce que la source de l'agapè, la source du Don coule toujours en nous depuis le baptême. Et que c'est la source du bonheur.

Belle et sainte année à chacune et chacun de vous!

dimanche 22 décembre 2024

"Quand nous visite l'astre d'en-haut..."

 La Visitation dont la lecture évangélique de ce jour nous rapporte le récit en saint Luc, ce n'est pas seulement une visite - celle de la jeune Marie à sa vieille cousine Elisabeth, toutes deux étant enceintes. La Visitation, c'est une visite d'une autre ampleur - d'où l'ampleur aussi du terme. C'est, à travers Marie enceinte, Dieu lui-même qui rend visite à l'humanité et s'inquiète de savoir... comment ça va, du côté des humains.

Eh bien, mettons que ça ne va pas fort.

Les humains ne semblent guère heureux, ni dans les pays riches, ni dans les pays pauvres. Dans les premiers, ils sont inquiets et, dans les seconds, maltraités. Leurs responsables ne semblent guère futés, incapables de leurs procurer le bonheur autrement que par des gadgets chez les premiers, ou par des promesses chez les seconds. Alors, en lieu et place du bonheur, on leur offre des guerres, des guerres, des guerres, pour des bouts de territoire, pour des histoires compliquées de droits non respectés, pour des menaces prétendument religieuses ou culturelles - on serait dans des cours de récréation, bon, les maîtres siffleraient la fin de ces conflits imbéciles, mais on joue dans la cour des grands, n'est-ce pas, alors, on tue, on massacre, on assassine, on fabrique des armes, encore des armes, toujours des armes - une bénédiction pour les usines et les marchands, et même, au passage, pour les trafiquants. 

Non, vraiment, chez les humains, ça ne va pas fort ces temps-ci.

Mais Dieu vient visiter son peuple. Pas pour le punir, non, il a renoncé depuis longtemps à cette pédagogie de la punition. Pas non plus pour approuver ses délires, non : il y a tout de même du reproche dans sa visite.

Alors, pourquoi vient-il? Reprenons la formule habituelle : "pour sauver". Son salut à l'humanité n'est pas seulement une salutation, mais une salvation. Il vient sauver l'humanité d'elle-même car, laissée à ses propres décisions, elle ne s'en sortira pas. Et ce salut, il le veut radical - allant jusqu'à la racine du mal, du mystère du mal qu'il veut éradiquer. Non pas d'un coup de baguette magique, non, ce n'est pas son style. Mais en s'y livrant lui-même, en se faisant le tout-petit de la crèche, le rejeté de l'auberge, l'incompris de la prédication, le condamné de la croix, l'abandonné même de Dieu, lui qui est Dieu, le premier des athées dans son cri "Pourquoi?" Il n'esquive rien dans cette geste de salut. Il embrasse entièrement l'humanité, son extériorité et son intériorité, pour lui rendre la capacité d'aimer plutôt que de haïr.

Cela commence par les entrailles : c'est dans le sein de sa vieille mère que le dernier des prophètes tressaille en reconnaissant dans l'autre petit celui qui vient pour tout restaurer dans l'amour : "Lorsque j'ai entendu tes paroles de salutation, dit Elisabeth, l'enfant a tressailli d'allégresse au-dedans de moi!" 

Et elle ajoute : "Bienheureuse celle qui a cru!"

Bienheureux aujourd'hui encore ceux qui croient : l'astre d'en-haut vient nous visiter!

Heureux Noël...

dimanche 15 décembre 2024

Dieu, l'Energie

 Méditation ce dimanche sur l'énergie divine. Partons d'un constat : le Dieu qui crée toutes choses, "l'Univers visible et invisible" comme nous le proclamons dans notre Symbole de foi en oubliant souvent que l'Univers invisible est infiniment plus étendu que le visible, que, petite poussière que nous sommes sur la petite poussière un peu plus grande qu'est la terre, nous ne sommes qu'infimes dans cet Univers, bref, ce Dieu qui crée tout est aussi Celui qui seul me connaît au plus intime. Car pour lui, me créer, c'est me connaître ('yada, dit l'hébreu, qui désigne une connaissance de l'intimité : "Adam connut Eve, et Eve conçut", nous ne sommes pas dans une science livresque...) Et cette intimité est une forme d'amour absolu, car Celui qui me connaît ainsi est Celui qui m'aime - pour lui, connaître, c'est aimer. Moi-même, je me connais très mal et très peu; moi-même, je m'aime très mal et très peu. Dieu seul sait aimer comme il faut...

La même énergie se déploie dans l'acte créateur de l'Univers et dans l'acte créateur de chaque être humain, et c'est une énergie d'amour. S'il m'arrive, dans la prière, de me percevoir au moins un peu connu par Dieu, c'est que le même amour est à l'origine de toute chose. L'origine du monde, ce n'est pas le sexe féminin, n'en déplaise à Courbet, l'origine du monde, c'est l'amour de Dieu.

C'est une énergie formidable, qui produit le "big bang" et aussi la prière dans l'intimité du coeur humain. C'est une dépossession complète de soi qui veut devant soi l'autre. C'est une "kénose" perpétuelle, un vide de soi, un abaissement, un agenouillement du Créateur devant sa créature. C'est un amour de salut et de résurrection. C'est la Vie en sa puissance, en son surgissement. C'est l'amour porté par le Fils incarné, lui le Verbe devenu muet dans la crèche de Noël - une crèche dont l'ombre, déjà, dessine une Croix.

Tout cela me trottait en tête, hier, quand dans l'église Sainte-Catherine j'accompagnais par la prière la foule innombrable des adorateurs nocturnes du Saint-Sacrement qui se pressait là, attirée par le Mystère exposé. Car l'amour, toujours, attire. Dans cette hostie vénérée, oui, il y a avait - il y a - toute l'énergie créatrice par laquelle nous sommes des vivants. Et toute l'énergie recréatrice, salvatrice, par laquelle nous devenons de vrais Vivants.

dimanche 8 décembre 2024

Ah! Notre Dame!

 Comme beaucoup j'ai regardé les célébrations de ré-ouverture de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, ce week-end. Et comme beaucoup, sans doute, je suis rempli d'enthousiasme - même si les chapes de Castelbajac offrent une esthétique, mettons, discutable!

Ah! Notre-Dame! Quelle histoire! Un concentré des rapports difficiles, quelquefois séducteurs, entre le Trône et l'Autel...

Ainsi : 

- lorsque son édification est décidée par l'évêque Maurice de Sully, au XIIème siècle, c'est pour opposer son prestige au pouvoir royal

- lorsque Louis IX lui offre la précieuse relique de la Sainte Couronne d'Epines... c'est pour placer cette relique dans la Sainte Chapelle, non loin  de là, histoire de ne pas donner trop de prestige à la Cathédrale

- lorsqu'au XVIe siècle le futur Henri IV y fait célébrer son (éphémère) mariage avec Marguerite de Valois (la "Reine Margot"), c'est dans l'espoir, réintégrant ainsi l'Eglise Catholique, de donner une fin honorable aux Guerres de Religion

- lorsque le petit-fils d'Henri IV, Louis XIV, y fait chanter des Te Deum pour célébrer ses victoires militaires, c'est pour faire valoir son gallicanisme et sa prétention de détenir un pouvoir plus grand que celui du pape

- lorsque Napoléon en 1804 s'y fait sacrer Empereur des Français, préférant ce lieu à la Cathédrale de Reims pour des motifs évidents (ne pas trop ostensiblement renouer avec la monarchie et ses rois qui se faisaient sacrer à Reims), c'est pour affirmer sa primauté sur une religion catholique qu'il utilise mais ridiculise - il a fait venir pour ce sacre le pauvre pape Pie VII et lui arrache la couronne des mains, la plaçant lui-même sur sa tête

- lorsque Victor Hugo publie son Roman "Notre-Dame de Paris", au XIXème siècle, c'est pour exalter le petit peuple de Paris, exploité à l'ombre de cette église par un clergé tout puissant et sans scrupule

- lorsque Clémenceau, en 1918, refuse de participer à un Te Deum célébrant à Notre-Dame la victoire des Alliés lors de la Première Guerre mondiale, c'est pour affirmer son anticléricalisme revendiqué et le souci de respecter la stricte séparation de l'Etat et de l'Eglise

- lorsqu'en revanche le Général De Gaulle en 1944 fait entonner un Magnificat à Notre-Dame pour célébrer la proche victoire, c'est en écartant de cette célébration le Cardinal Emmanuel (tiens, un prénom...) Suhard, alors archevêque mais jugé trop pétainiste

- lorsque les Présidents De Gaulle, Pompidou et Mitterrand décèdent, une messe est célébrée selon leur volonté à Notre-Dame en présence de chefs d'Etat étrangers, mais leurs obsèques sont privément célébrées ailleurs

- lorsque la Cathédrale est la proie des flammes, c'est le Président de la République qui s'engage à sa reconstruction endéans les cinq années - pari réussi

- lorsqu'hier et aujourd'hui la ré-ouverture de cette église est célébrée, c'est en présence de nombreux (et importants) chefs d'Etat étrangers, mais sous la présidence de l'archevêque et en l'absence du pape, qui a décliné l'invitation.


Ah! Notre-Dame, lieu symbolique de tant et tant de choses, mais aussi des rapports si délicats, si nécessaires aussi sans aucun doute, et des alliances tellement compliquées entre le Trône et l'Autel!

vendredi 6 décembre 2024

Vive Saint Nicolas!

 L'église Saint-Nicolas, dite parfois Saint-Nicolas-Bourse,  est voisine, précisément, de la Bourse de Bruxelles et de sa magnifique Grand Place. Elle est l'une des plus anciennes églises de la ville, merveilleusement conservée et enrichie au cours des siècles et depuis peu gardée par un nouvel Etablissement du Culte ("Fabrique d'église") dynamique et proactif - remarquable! Ce soir, pour fêter dignement son saint titulaire, la paroisse Saint-Nicolas avait fait église comble, avec des enfants de la catéchèse et leurs parents, beaucoup de fidèles, quatre prêtres, d'excellentes musiciennes et chanteuses et un buffet organisé ensuite par cette Fabrique d'église et pas mal de bénévoles,  autour d'une messe festive.

Ah, j'oubliais : bien sûr, le grand saint était là, dès la fin de la célébration, pour accueillir et récompenser les enfants (sages...)

Magnifique moment de vie, de chaleur, de repos dans la ville stressante, de juste considération pour les enfants, de prière pour ceux qui sont délaissés, ignorés ou maltraités.

Veilleurs dans la ville, voilà notre vocation!

mercredi 4 décembre 2024

La fin du monde

 Le temps liturgique de l'Avent (c'est-à-dire de l' "avènement") du Seigneur, qui prépare les fidèles chrétiens aux célébrations de la Nativité, est aussi et peut-être surtout un temps qui pointe leur attention sur la fin des temps, ou pour être plus précis, la fin du temps et de l'espace, la fin du monde, la fin de toute chose, la fin des "univers visibles et invisibles" (ces derniers étant sans aucun doute les plus nombreux). Oui, cela fait partie de la foi chrétienne, même si c'est un élément très souvent oublié de la catéchèse et de la prédication : un jour, tout finira. Un jour, il n'y aura plus rien non seulement de ce que nous connaissons (une infime partie, donc), mais même de tout ce que nous ne connaissons pas.

Faut-il en être triste? Oh non! Qu' "elle passe, la figure de ce monde!", cela n'est pas pour les chrétiens source d'angoisse. Pour eux, en effet - et voilà ce qui est célébré en Avent - cette fin  correspond au retour glorieux du Christ  et à l'établissement définitif du Royaume qu'il a inauguré lors de son éphémère vie terrestre. Il a annoncé par sa parole et par ses actes un Royaume de paix, de justice, d'amour - c'est le rêve de Dieu, son Dieu et notre Dieu, sur le monde tout entier et l'humanité en particulier. Lorsque les temps seront achevés (et nul ne sait quand, dit Jésus lui-même, interrogé là-dessus par les siens d'après les Evangiles, nul ne sait quand sauf le Père) alors ce Règne sera accompli. Quand il n'y aura plus rien, il n'y aura plus que l'amour.

Il convient donc de hâter cette fin plutôt que de la redouter : en activant ici et maintenant nos engagements de toutes sortes en faveur de la paix, de la justice et de l'amour, nous accroissons en quelque sorte la vitesse de l'accomplissement! Temps de contemplation de la fin, l'Avent est aussi un temps où l'on se  retrousse les manches. Il faut hâter l'au-delà par notre implication dans l'ici-bas!

Le Symbole de Nicée et Constantinople, ce grand Credo du IVème siècle que nous récitons ou chantons dans nos liturgies dominicales, nous fait changer de verbe lorsqu'il aborde ces réalités de l'Avent. Nous ne disons plus Credo ("Je crois"), mais Exspecto ("J'attends")... Redoutable changement  : notre manière de croire à "la résurrection des morts et à la vie du monde à venir", c'est de l'attendre, c'est-à-dire de l'espérer. 

Tout un programme, cette espérance qui est aussi au coeur de l'année jubilaire ouverte en 2025!

jeudi 21 novembre 2024

Nous voyons naître des dictatures...

 Partout, sous nos yeux épouvantés, naissent des dictatures. Et le scénario, toujours, est le même : on investit les institutions démocratiques, on les détourne de façon populiste pour favoriser une figure prétendument charismatique, entre les mains de laquelle on finit par concentrer les pouvoirs non seulement exécutif, mais aussi législatif et judiciaire. La réélection de Mr Trump aux USA est  de ce processus très ancien une parfaite illustration : voici cet homme aux commandes des trois pouvoirs en question, dans l'un des Etats les plus puissants du monde. Mais Mr Erdogan en Turquie a fait pareil, et Mr Poutine en Russie, et Mr Orban en Hongrie, et, et, et... Et autrefois, la République Romaine a cédé sous le même stratagème pour devenir l'Empire et, plus près de nous, l'Allemagne des années '30 a pareillement confié tous les pouvoirs au sieur Hitler, et avant cela la fragile monarchie italienne avait fait de même pour Mussolini, et, et, et...

Platon déjà en avait prévenu ses lecteurs : "Dis-moi comment naît la tyrannie. Qu'elle soit une conséquence de la démocratie, c'est assez évident!" (La République, 8. 562)

C'est que la démocratie est fragile, ô combien! Encore une fois, elle ne saurait survivre seulement en comptabilisant les majorités de suffrages. Pour rester en vie, elle doit s'abreuver aux sources de l'éthique, sources toujours conflictuelles, certes, mais dont la richesse est dans le dialogue : les droits de l'homme, les formulaires moraux des religions (comme la Torah ou les Dix commandements), les textes littéraires et philosophiques de la sagesse sans cesse repensée. Privée de ces sources, la démocratie n'est qu'une petite proie, vie avalée par les ambitions des dictateurs.

Comment réagir quand, sous nos yeux, nous voyons s'élargir le cercle des tyrans potentiels? En ne refusant pas de retourner aux sources, en nous y abreuvant, en relançant le dialogue sur l'éthique, en reconsidérant l'apport des religions, en opposant cette sagesse à l'ambition des potentats. Chez nous et dans le monde!

lundi 18 novembre 2024

La légende de l'oignon

 Dans Les frères Karamazov du grand Dostoïevsky se niche un petit trésor de vie spirituelle et simplement humaine : la légende de l'oignon. Une femme très méchante, dit cette légende, mourut sans repentir - elle avait passé sa vie à faire du mal à tout le monde et à dire du mal de tout le monde! Elle fut donc engloutie dans le lac de feu de l'enfer! Mais son ange gardien plaida sa cause et il lui fut demandé de chercher dans la vie de cette méchante femme une action, une seule action, qui ait été bonne. Le bon ange finalement trouva : un jour, cette femme avait donné un oignon à une pauvresse, une mendiante qui avait faim. Bon, ce n'était pas énorme, non! Mais Dieu dit à l'ange de prendre cet oignon et d'y suspendre la femme pour la tirer, grâce à lui, du lac de feu. Ce qui fut fait : et la femme monta, doucement. Mais voilà que d'autres damnés s'agrippèrent à elle pour monter avec elle. Alors, méchamment - rappelons qu'elle avait toujours été méchante! - elle les repoussa avec ses pieds en disant : "C'est mon oignon, pas le vôtre!"  Et, à l'instant même, bien sûr, l'oignon de brisa et elle retomba dans le lac de feu!

Je me souvenais aujourd'hui de cette légende en lisant... le Journal. D'abord, j'y renouvelle ma foi en une vraie transcendance, non pas une idée de transcendance, non pas une invention humaine, mais une véritable puissance de vie et d'amour qui nous veut, chacune et chacun de nous, qui nous connaît et qui nous aime, comme elle aime l'entière humanité. Cette puissance - Dieu - est volonté de salut et de vie. Et heureusement car, laissé à ses seules forces, l'être humaine barbote dans son impuissance à se sauver. Je suis horrifié par la bêtise récurrente des bipèdes que nous sommes, par notre abrutissement, incapables de faire la paix, de vouloir vraiment la justice, bref incapables de nous tirer - de nous sauver, oui! - de nos égoïsmes mortifères. Le salut heureusement vient d'ailleurs, il sollicite notre collaboration, sans aucun doute, mais nous ne sommes pas par nous-mêmes capables de l'imaginer. Oui, dans ce sens, et comme je le partageais samedi après-midi avec une vingtaine de catéchumènes, j'ose dire que "Je crois en Dieu".

Cette puissance de salut vient à bout de notre méchanceté, car elle est capable de rappeler d'entre nos pauvres mesquineries une bonne action, une seule, repérable sans doute seulement par un regard de bonté qui est précisément divin. Un oignon... pas grand'chose, évidemment, mais suffisant pourtant aux yeux de l'amour, de cet amour-là.

Et nous serons sauvés par la grâce de cet amour qui nous nous fait nous agripper à ce reste de bonté en nous. 

Mais... nous ne serons sauvés qu'ensemble. Même nos pâles bonnes actions ne sont pas nôtres, ne sont pas de nous-mêmes ni seulement pour nous-mêmes! Et tant mieux si tous les damnés de la terre s'y agrippent!

Vaincre la méchanceté de nos coeurs, jusque là! 


jeudi 7 novembre 2024

"Sur la démocratie en Amérique"

 On connaît l'ouvrage de Tocqueville... Evidemment, le vote d'avant-hier chez nos amis d'Outre-Atlantique relance la question de la démocratie. Celle-ci consiste-t-elle seulement en l'addition de votes majoritaires qui l'emportent sur les autres? A l'évidence, non. Sinon, la majorité aurait raison de porter au pouvoir des dictateurs (ce fut le cas, en Allemagne, dans les années 1930, ne l'oublions jamais!)

En réalité, la démocratie suppose le respect de valeurs qui ne sont pas soumises à l'arbitrage démocratique. Parmi celles-ci : eh bien, en premier, la démocratie elle-même, qui vaut toujours mieux que la dictature! Ou encore : la vérité, qui vaut toujours mieux que le mensonge (ou les "fake news" pour reprendre une version contemporaine du mensonge organisé). Ou encore : la vie, qui vaut toujours mieux que la mort. Ou encore : la reconnaissance de l'égalité foncière des êtres humains entre eux, quelles que soient leur race, leur sexe (ou leur "genre"), leur nationalité, leur origine, leur religion. Etc.

Problème : ces "valeurs"-là, donc, ne sont pas, ne peuvent pas être, soumises à l'arbitrage démocratique d'une simple majorité de voix. Alors, qu'est-ce qui les légitime? Mettons, la tradition éthique (ou morale, j'emploierai toujours, pour ma part, les deux termes de façon interchangeable, sourd aux arguties qui discréditent l'une par rapport à l'autre). Une tradition que l'on trouve dans les formulaires religieux ou littéraires (la Torah, les Béatitudes, ce que l'on nomme la "loi naturelle" telle qu'exprimée dans la Tragédie grecque, etc.) 

Evacuez ces valeurs morales, il vous reste ce que nous constatons... 

jeudi 24 octobre 2024

Les couleurs d'une artiste : funérailles d'Isabelle de Borchgrave

 Ce matin, célébration des obsèques d'Isabelle de Borchgrave, en l'église ND des Victoires au Sablon. Magnifique artiste, célèbre dans le monde entier pour ses créations picturales, notamment sur papier (ses robes sont connues), son inventivité et sa maîtrise des couleurs. Beaucoup, beaucoup de monde pour lui rendre hommage - le Roi lui-même était présent.

Et ce fut un bel hommage, musical, artistique, liturgique. L'Office dans cette magnifique église du Sablon, baignée de la lumière d'automne, a été un moment de paix et, j'ose le dire, de joie intérieure.

Et si, dans toute la noirceur du monde, l'art ou, plus largement, une vie d'artiste, étaient  une vraie source de lumière, d'espérance? Comme on aimait y croire, ce matin!

"Parce que lorsque vous n'avez rien, vous pouvez toujours trouver un bout de papier. Il vous éloigne de la peur, la peur d'abîmer notamment. (...) Au même titre qu'un écrivain, j'écris et je dessine pour raconter."

(I. de BORGHGRAVE, Art Interview, 2020)

dimanche 20 octobre 2024

"La guerre et la grâce"

 Je viens d'achever la lecture de la dernière longue interview - inachevée - que la regrettée Hélène Carrère d'Encausse a donnée au journaliste Darius Rochebin. Lucidité, intelligence, érudition convergent dans ce texte bref autour de grandes questions contemporaines - en particulier, on ne s'en étonne pas, le conflit russo-ukrainien. Thèse d'HCE : "Nous autres, Européens, avions oublié que la guerre est la règle et la paix l'exception" (p. 81), leçon qu'elle a, dit-elle, puisée dès sa jeunesse en lisant, et même en dévorant L'Iliade d'Homère.

En même temps, une chrétienne qui jusqu'au bout veut témoigner de l'Evangile : "Je suis une non-violente contrariée, persuadée que, hélas, la violence est la loi sur cette Terre. Cela n'interdit pas l'espérance. Sur mon épée d'académicienne, j'ai fait graver la devise tirée du Sermon sur la montagne : 'Heureux les pacifiques.' " (p.80)

J'ai beaucoup fréquenté et beaucoup admiré cette femme qui m'honorait, avec Louis son mari, de son amitié. Je la retrouve tout entière dans ces pages, qu'il faut lire comme on avale, par temps frais et chagrin, un réconfortant.


D. ROCHEBIN, La guerre et la grâce. Conversation inachevée avec Hélène Carrère d'Encausse, Paris Fayard, 2024, 101pp.

mercredi 16 octobre 2024

Réconcilier des inconciliables

 Faisant cours ce soir à des enseignants de religion catholique, j'essayais de leur faire entendre que la foi catholique aime concilier des inconciliables - ou, pour utiliser un terme technique, aime la "polysyndète", cette insistance sur l'addition, du genre : "J'ai vu et Jules et Paul et Suzanne..." Oui, la foi catholique aime le "et et" et ne supporte guère le "ou ou". Ainsi : nous parions en anthropologie chrétienne pour "et la grâce et la liberté"; en christologie pour un Christ qui est "et Dieu et homme"; en ecclésiologie pour  "et tous responsables et quelques-uns responsables." Etc. Choisir l'un contre l'autre, c'est assez vite verser dans l'hérésie (le terme du reste vient du grec 'hairein' qui signifie simplement : 'choisir'.)

Quelques préoccupations contemporaines me semblent pouvoir être considérées sous cet angle. Par exemple : la question de l'avortement, si débattue encore après la sortie du Pape dans l'avion qui le ramenait à Rome. Il faudra bien apprendre, tout de même, à tenir ensemble des vérités qui semblent a priori inconciliables. Oui, la grossesse concerne le corps de la femme enceinte - c'est une évidence et cette évidence génère un droit. Mais ET oui, la grossesse concerne aussi un autre corps que celui de la femme enceinte, et il faudra bien un jour respecter aussi ce point de vue : un foetus humain n'est pas une tumeur dont on se débarrasse avec soulagement. Comment concilier ces deux aspects? C'est là que le législateur doit être intelligent, sans faire jouer l'une contre l'autre une dimension du problème. Nous n'y sommes pas, manifestement!

Autre problème, international celui-là : Oui, Israël a le droit d'occuper en sécurité le territoire que les Nations-Unies lui ont octroyé en 1948. Mais ET oui, les Palestiniens ont le droit de trouver ou retrouver une terre à eux, avec des institutions qui les protègent de leurs ennemis extérieurs et intérieurs. Là aussi, espérons des diplomates une vision complexe des choses, capable enfin de ramener la paix dans ce Proche-Orient martyrisé.

Dans les deux cas pré-cités, il faut pour concilier les inconciliables renoncer à l'idéologie. C'est le sacrifice le plus nécessaire. Le plus difficile, aussi. Demandons-le pour nous et pour tous!

samedi 21 septembre 2024

Visite du Pape, Anne de Jésus, Julia Kristeva...

 Parmi les divers motifs de la venue du pape François la semaine prochaine chez nous, il en est un qui est plus occulté que les autres : lors de la messe du dimanche 29 au Stade Roi Baudouin, il béatifiera Anne de Jésus, religieuse carmélite du XVIème siècle, compagne de Thérèse d'Avila, qui a diffusé la réforme du Carmel en France puis en Belgique et est morte (et inhumée) à Bruxelles. C'est une figure majeure de la vie spirituelle dans notre région - ce qui reste de sa Correspondance avec Thérèse d'Avila en témoigne à souhait.

A cette occasion, deux événements sont à retenir, qui se dérouleront à la Cathédrale des Saints-Michel-et-Gudule :

- le samedi 28, à 19h00, une veillée de prière pour se préparer à l'événement du lendemain, veillée animée par les frères et soeurs Carmes et Carmélites, et présidée par Mgr Lode Van Hecke, évêque de Gand.

- la veille, le vendredi 27 donc, à 20h00, une conférence qui promet d'être passionnante, donnée par Julia Kristeva - l'une des plus célèbres  psychanalystes au monde, femme de lettres, critique et passionnée par la spiritualité carmélitaine, et par les figures de Thérèse d'Avila et d'Anne de Jésus. Mme Kristeva a écrit, en 2007, un livre très important et très remarquable intitulé "Thérèse, mon amour", publié chez Fayard, dans lequel elle décrit au fil de 700 pages la révérence qui est la sienne vis-à-vis de cette littérature. Kristeva elle-même n'est pas chrétienne - elle a, dit-elle, traversé avec bonheur le christianisme, mais se sent maintenant "ailleurs". Mais elle tient à dire sa dette à l'égard de l'expérience mystique de ces femmes étonnamment libres. Déjeunant un jour avec elle, lors de la sortie de son livre, je lui avais dit à peu près ceci : "A vous lire, on se dit que, si l'on approchait de l'expérience mystique et spirituelle de Thérèse et de ses soeurs, on n'aurait plus besoin de psychanalyse..."  Réponse de cette immense... psychanalyste : "Mais c'est évident!" Que des Carmélites disent du bien d'Anne de Jésus, c'est attendu! Mais qu'une intellectuelle de cette envergure le fasse, en rappelant aux chrétiens quel trésor - souvent ignoré- ils portent dans leur Tradition spirituelle, c'est remarquable. Kristeva pense que ces femmes du XVIème siècle peuvent vraiment aider beaucoup de monde - dans et hors les frontières de l'Eglise - à vivre bien, à vivre mieux aujourd'hui. Nous l'écouterons dire pourquoi avec un très puissant intérêt...

dimanche 8 septembre 2024

Commémoration de la mort du Roi Baudouin

 Le Roi Baudouin est mort à Motril, en Espagne, le 31 juillet 1993. Trente-et-un ans après, c'est à la  Cathédrale qu'était commémoré aujourd'hui l'anniversaire de sa disparition, lors de la messe dominicale de 11h00 présidée par le Cardinal De Kesel et en présence du Prince Guillaume de Luxembourg et du Prince Nicolas de Liechtenstein, neveux du souverain défunt, ainsi que de l'Archiduchesse Isabelle d'Autriche-Este. Celles et ceux qui ont connu, de près ou de loin, le défunt Roi se souviennent de lui comme d'un homme admirable d'abnégation, de bonté, de loyauté, de don de lui-même pour son peuple. Le Cardinal, dans son homélie, a souligné ces qualités à la fois humaines et spirituelles, qui font de Baudouin un intercesseur aujourd'hui encore pour le pays qu'il a servi.

lundi 19 août 2024

De deux manières, bien opposées, de penser l'évangélisation

 La présente réflexion fait suite et voudrait approfondir celle que j'ai faite en réaction aux propos vengeurs de certains catholiques réagissant à la cérémonie d'ouverture des JO. Je pense que le malaise est profond, entre deux conceptions tout à fait irréconciliables de l'évangélisation.

La première consiste à penser que l'Eglise doit porter l'Evangile au monde pour y pourfendre ce qu'elle estimerait être de la paganisation, de la débauche, du libertarisme, appelons cela comme nous voulons. L'Eglise qui a porté une civilisation européenne chrétienne devrait combattre jusqu'au martyre contre les lois qui, dans nos pays européens et quelquefois avec la complicité de l'Union Européenne, détruisent le mariage, légalisent l'avortement et l'euthanasie, facilitent ou du moins permettent le transgenrisme, etc. Certains sites cathos (hyper-cathos) faisaient ainsi tache, récemment, avec l'éloge unanime qui a entouré le brusque départ de Mgr Treanor : il n'aurait rien fait, comme Nonce, pour contrer, dans les pays de l'UE, ces épouvantables législations.

 Mais enfin, réfléchissons posément : est-ce le rôle de l'Eglise de s'opposer de la sorte à des changements sociétaux structurels - des lames de fond, diront les sociologues, des vagues que rien ni personne, de toute façon, ne peut endiguer, qu'on le veuille ou non. Notre société occidentale change, les moeurs y changent, les lois accompagnent ces changements et heureusement les endiguent - dans nos pays, que je sache, elles ne prescrivent rien, elles permettent et encadrent.

L'autre conception de l'évangélisation en un tel contexte parlera davantage d' "accompagnement". Plutôt que de fustiger, accueillir les personnes quelles qu'elles soient, quelle que soit leur situation matrimoniale, sexuelle, sociale, ethnique, autochtone ou allochtone. Accueillir, oui, et accompagner. Ecouter, longuement, les récits de vie - j'ai été frappé, l'autre jour, écoutant une personne "transgenre" qui se confiait à moi alors que j'étais de permanence à la Cathédrale, d'apprendre la complexité de son enfance, la rudesse des blessures reçues, combien la vie avait été cruelle pour elle - et que ce changement de genre qu'elle souhaitait, loin d'être une solution à tout bien sûr, constituait quand même un remède. Ecouter, oui, longuement, et quelquefois, mais alors rarement, parler, conseiller. Et surtout, surtout, ne jamais condamner les personnes, pour ne pas rajouter du malheur au malheur. Je ne vous étonnerai pas en vous écrivant ici que cette seconde conception a mes faveurs. Je ne pense pas me tromper, du reste, en disant qu'à lire et écouter ce qui se publie à Rome, elle a les faveurs d'un certain pape François.

mardi 13 août 2024

Funérailles de Mgr Treanor

 J'ajoute ceci à mon précédent post : les funérailles de Mgr Noël Treanor seront célébrées le vendredi 16 août à 10h00, en l'église ND des Victoires du Sablon, une église que le défunt prélat aimait particulièrement. Elles seront présidées par le Cardinal Jozef de Kesel, archevêque émérite de Malines-Bruxelles et par le Cardinal Jean-Claude Hollerich, archevêque de Luxembourg. La dépouille mortelle de Mgr Treanor sera ensuite reconduite par avion vers l'Irlande, son bien-aimé pays.

lundi 12 août 2024

Le décès de Mgr Teranor

 Nous avons appris hier, avec consternation, le décès inopiné de Mgr Noël Treanor, prélat d'origine irlandaise, Nonce Apostolique près l'Union Européenne depuis seulement deux ans. Fervent défenseur de l'intégration européenne, Mgr Treanor était un homme bon et doux, simple, rempli d'humour. Il a été victime hier matin, à la Nonciature, d'une crise cardiaque, à l'âge de 73 ans. Nous prions pour lui...

lundi 5 août 2024

Eloge de la littérature

 Je viens de lire avec bonheur la "Lettre sur le rôle de la littérature dans la formation", en particulier dans la formation des futurs prêtres, publiée hier 4 août par le pape François. Une nouvelle fois, je suis plein de reconnaissance pour la pensée de ce pape qui entend bien exalter la littérature (et les autres beaux-arts, au passage) comme un élément indispensable de formation pour les chrétiens, parce que la littérature est un lieu d'ouverture et de créativité.

C'était l'intuition déjà du grand Adolphe Gesché, le théologien louvaniste, qui estimait à juste titre devoir rajeunir l'acte théologique par sa confrontation avec le monde des livres. Comme je suis heureux de voir que, petit à petit, cette audace a fait son chemin!

dimanche 4 août 2024

Ce que cache "l'offense"...

 Je suis de ceux que les réprobations offensées de certains catholiques, suite à la cérémonie d'inauguration des Jeux Olympiques de Paris, ont exaspéré. Oh,  certes, tout n'était pas du meilleur goût dans cette fête par ailleurs fort réussie, dans ce spectacle grandiose qui reflétait bien l'esprit parisien. Mais je reste enclin à penser qu'il n'y avait là aucune provocation volontaire - il fallait vouloir voir la Sainte Cène là où, de façon obvie et du reste en résonance avec l'événement "olympique", on a sans doute voulu évoquer  le banquet des dieux de... l'Olympe, précisément.

Ce qui m'a agacé et même mis en colère, c'est l'utilisation de cette prétendue offense à des fins finalement politiques ou sociétales. Comme si la religion catholique devait être le fer de lance d'une reconquête morale et guerroyer ainsi contre une société décadente, pour y rétablir un ordre perdu. Ce détournement politique du religieux ne me dit rien qui vaille : dans l'Histoire bimillénaire des chrétiens, il a toujours été malsain, contre-productif et dangereux. Voyez, au XXème siècle encore, les manoeuvres droitières de l'Action Française entre les deux guerres, voyez chez nous, toujours au XXème siècle, la perversion du mouvement Rex, né catholique et devenu nazi. Dans ces deux cas, on se revendique du reste plus du catholicisme, que l'on apprécie pour ses capacités à structurer la société, que du christianisme - ce Mouvement, cette Voie qui conduit ses fidèles à la suite d'un Christ plutôt pourfendeur de la bonne société, qui se range aux côtés des marginaux et des sans grades et affirme sans ambages que "les pécheurs publics et les prostituées  arrivent avant les autres dans le Royaume des Cieux." (Mt 21, 31)

Les évêques se réjouissent aujourd'hui à juste titre de ce que des adultes, de plus en plus nombreux, se tournent vers le Christ et, passant par le catéchuménat, reçoivent le baptême pour devenir chrétiens. Ils ont raison de se réjouir, mais j'aimerais que cette joie se double chez eux d'une vigilance accrue : pourquoi devenir chrétien? Si c'est pour trouver en Christ une voie d'épanouissement, de salut et de bonheur, bravo. Si c'est pour partir en croisade contre une société dont on veut se désolidariser et finalement se couper, non. Mille fois non. Et ce que j'écris ici à propos des catéchumènes vaut à mes yeux et davantage encore pour les séminaristes...  Le discernement de tous est et sera de plus en plus nécessaire, pour que des catholiques arrêtent de se dire offensés quand il n'y guère d'offense, et qu'ils apprennent à vivre en paix dans un environnement qui n'est certes plus chrétien, mais néanmoins ne leur est pas a priori hostile...

lundi 15 juillet 2024

Sur l'enseignement

 La récente désignation des futurs ministres de la Fédération Wallonie-Bruxelles suscite des réactions indignées du côté laïque - l'Etat céderait une nouvelle fois au lobby catholique du réseau "libre", et ainsi mettrait à mal la nécessaire neutralité de l'enseignement, etc. 

Chanson connue.

Je ne suis pas politicien, et ne souhaite guère intervenir dans ce débat vieux comme le Pacte scolaire. Je veux simplement rappeler et citer deux articles de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, pour laquelle l'enseignement et, plus largement l'éducation, ne sont pas d'abord l'affaire des Etats, mais des parents et de leurs convictions (y compris religieuses).

Donc :


- Article 18 : "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seul ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, le culte et l'accomplissement des rites."

- Article 26, §3 : "Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants."


Voilà, voilà, voilà...

lundi 1 juillet 2024

"Les valeurs de la République"

 Je ne suis guère un spécialiste de la politique. Mais les quelques commentaires entendus hier soir sur les chaînes françaises de télévision me rappellent que j'ai été aussi, et longtemps, dans ma vie, professeur de théologie morale et, plus spécialement, de "morale fondamentale".

 Les Français ont donc voté - rien de plus démocratique : la majorité des suffrages exprimés fait loi. Et, comme il s'agit d'une élection majoritaire à deux tours, cela sera complété la semaine prochaine. Mais, nous disent certains commentateurs, ce faisant les Français ont mis en danger "les valeurs de la République". Cela signifie donc, pour le "moraliste" que je fus et suis resté, que certaines valeurs ne sauraient en effet être soumises à l'arbitrage démocratique. Même si une majorité d'électeurs vote contre elles, elle continuent à s'imposer et méritent d'être défendues.

Ceci est important : ce n'est pas une majorité qui dit le bien. La majorité dit... l'opinion de la majorité, mais cela ne constitue pas nécessairement le bien. Le bien a d'autres sources et toute la question consiste à savoir quelles sont ces sources. Si ce n'est pas une majorité d'électeurs qui en décide, qu'est-ce que c'est?

Philosophie et théologie disent qu'à la fois le bien se reçoit et se construit. Il se reçoit de sagesses antiques, de formulaires quelquefois très vieux - comme le Décalogue biblique. Mais il se construit aussi, dans une patiente écoute des uns et des autres, et finit par constituer un horizon commun qu'on nomme quelquefois "la loi naturelle". "Tu ne tueras pas." "Tu ne mentiras pas." "Tu ne voleras pas." Etc. Ou, pour évoquer un catalogue plus récent, mais qui au fond reprend les vieilles formules : "Tous les êtres humains naissent et demeurent égaux en dignité et en droit."  Cela signifie que, même si une majorité d'électeurs vote des lois contraires, ce qui est ainsi voté est mal du point de vue de la morale.

Prenons un exemple un peu stupide, mais pourtant réaliste. La démocratie est le moins mauvais des régimes, car il donne à chacune et chacun une voix pour s'exprimer. La démocratie est donc une valeur qui fait partie de la loi naturelle. Mais si une majorité qualifiée votait démocratiquement l'abrogation de la démocratie et, par exemple, l'instauration de la dictature (cela s'est vu : voyez l'Italie, voyez l'Allemagne de la première moitié du XXème siècle), cela serait-il moralement acceptable du seul fait que la démocratie, réduite à l'expression d'une majorité, en a décidé ainsi? Evidemment non.

D'où nous concluons que la démocratie suppose aussi de considérer et de respecter la loi naturelle. Et en effet, certaines "valeurs de la République", qui sont une part de cette loi naturelle, ne sauraient être soumises à l'arbitrage démocratique. 

Vive la France!

lundi 24 juin 2024

40 ans...

 Gratitude aujourd'hui : Philippe, Francis et moi-même célébrons le quarantième anniversaire de notre ordination. C'était en effet le dimanche 24 juin 1984 qu'à 10heures, dans la Cathédrale de Tournai, le cher Mgr Huard nous ordonnait prêtres. Quarante ans ont passé : que de souvenirs, d'épreuves mais surtout de joies, de rencontres, d'accompagnements, de travail, de louange. De quoi rendre grâce, vraiment, et remercier celles et ceux qui nous ont faits prêtres : car ce sont les personnes vers lesquelles nous fûmes ou nous sommes envoyés qui permettent à la grâce sacramentelle de s'épanouir au quotidien.

La liturgie célèbre aujourd'hui la solennité de la nativité de saint Jean Baptiste. Belle figure pour un prêtre - mais aussi pour tout baptisé : le Baptiste est celui qui dit du Christ "il faut qu'il grandisse et que moi je diminue!" Diminuer, cela vient tout seul avec l'âge, mais c'est aussi un consentement à l'effacement, pour que soit Celui que nous annonçons!

dimanche 16 juin 2024

De la démocratie

 Ce qui se passe en France, du point de vue politique, ne laisse pas de m'étonner. Les commentateurs ont l'air de découvrir que la démocratie, "le moins mauvais des régimes" (Churchill), si on la réduit à un simple comptage arithmétique, peut ouvrir la porte à la dictature. Pourtant c'est une évidence : dans les années 30 en Allemagne, c'est le processus démocratique qui a largement contribué à la prise de pouvoir de Hitler. C'est que la démocratie ainsi conçue ne ferait que traduire dans les urnes le désir majoritaire, et que le désir majoritaire n'est évidemment pas toujours le souci du bien commun.

Alors que faire? Eh bien, revenir au souci du bien commun, précisément. Apprendre à le discerner, à le désirer non comme une addition de biens individuels, mais comme le bien d'une communauté de vie qui s'étend aussi loin que possible, par-delà les frontières de son pays, voire de son continent. C'est  une éducation qui est en jeu, une éducation permanente dans laquelle je crois que les religions, débarrassées de leurs visées politiques ou opportunistes, ont une partition à jouer. Parce que dans le meilleur des cas, elles sont des lieux d'initiation - plus encore que d'enseignement - au bien. Parce que, jouant avec les mythes, elles disent quelque chose de la vérité de l'être humain. Parce que, honorant le souci spirituel, elles sont capables de toucher l'intériorité et le coeur, seuls lieux de conversion. Parce qu'elles ont une certaine expérience du vivre-ensemble communautaire. Parce qu'elles sont tout entières tissées de  récits de promesse et d'espérance.

Ou, pour le dire d'un mot, parce que, toujours dans le meilleur des cas, elles exhalent une certaine sagesse. Une sagesse dont nous avons tous grand besoin, et nos amis Français sans doute en premier!

dimanche 26 mai 2024

Hildegarde de Bingen : moment de grâce à la Cathédrale hier soir

 Hildegarde de Bingen, cette grande mystique chrétienne du XIIème siècle, docteur de l'Eglise, moniale, prédicatrice, visionnaire, prophétesse, botaniste et j'en passe, est à l'honneur depuis quelques semaines et jusqu'en juin à la Cathédrale de Bruxelles. Une exposition lui est consacrée, et hier avaient lieu deux conférences à son propos - dont l'une de votre serviteur. Et puis, on a entendu de magnifiques concerts. J'ai été bouleversé hier soir par la prestation de l'ensemble Ad Lucem, avec le baryton Romain Dayez et le violoncelliste Jean-Paul Dessy. Pendant un peu plus d'une heure, ils ont joué et chanté, en l'actualisant, le drame liturgique Ordo Virtutum de Hildegarde : récit d'une âme humaine en proie au doute, qui invoque les vertus divines. 

Une heure de grâce! La lumière vespérale, douce, déclinante, donnait ses derniers feux de la journée,  les vitraux de la Cathédrale peu à peu s'éteignaient,  la puissance de la voix de Romain Dayez vous conduisait au plus intime de vous-même, là où se joue le perpétuel combat spirituel.

Oui, un moment de pur bonheur!

lundi 20 mai 2024

Nous allons bientôt voter...

 Nous allons bientôt voter... entre autres, pour élire le Parlement de l'Union Européenne. Je ne m'exprime guère en matière de géo-politique, n'y connaissant pas grand-chose. Mais je relaie ici les perplexités d'un confrère libanais qui, commentant la nouvelle selon laquelle l'UE a décidé de débloquer un milliard d'euros par an en faveur du Liban, s'interroge. 

Cet argent ne va-t-il pas contribuer, purement et simplement, non pas à aider les ressortissants syriens qui affluent dans ce petit pays, à rentrer chez eux, mais au contraire à armer le Hezbollah qui ne pense qu'à reprendre la guerre contre Israël? Les intérêts de l'Europe peuvent paraître philanthropiques : aider une nation amie qui souffre d'un grand déficit démocratique à cause de la situation explosive au Proche-Orient. Mais on voit bien l'intention plus cachée : éviter (c'est la contrepartie annoncée par l'UE) que les réfugiés syriens ne débarquent, via Chypre, en Europe.

Autrement dit : on vous paie pour faire le sale boulot, et débrouillez-vous avec vos réfugiés, mais surtout empêchez-les  de débarquer chez nous.

Belle mentalité!

Il faut voter, bientôt. Pour ça?

dimanche 5 mai 2024

Nouvelles de Rome


 Rentré jeudi soir de Rome, après quelques jours intenses (8h00-21h00) d'un Congrès qui aura porté sur "la synodalité" comme exercice spécifique de la vie fraternelle et de la prise de décision en Eglise. Etrange animal, direz-vous, que cette "synodalité" - étymologiquement, une manière de faire route ensemble, en se plaçant dans l'écoute de l'Esprit Saint par la prière, l'attention portée à la Parole de Dieu et surtout aux points de vue de chacun, avec une pédagogie et des procédures très spécifiques. L'Eglise s'est débarrassée (du moins espérons-le) de son modèle monarchique de fonctionnement; elle n'est pas une oligarchie ou une aristocratie. Elle n'est pas non plus simplement une démocratie, surtout quand la démocratie fonctionne comme une pure et simple addition de voix pour arriver à une majorité. La synodalité emprunte certes des éléments à la démocratie, mais ne s'y réduit pas - notamment par l'écoute d'une Parole, répétons-le, qui dépasse ceux qui se concertent pour une prise de décision à travers des "conversations dans l'Esprit" largement inspirées de la tradition ignatienne (le pape est... un jésuite, ne l'oublions jamais!) François entend ainsi ouvrir l'Eglise et ses fonctionnements à une manière à la fois traditionnelle et innovante de vivre ensemble et de décider ensemble. La question qui nous occupait devenait dès lors multiple, à savoir : comment concilier cette méthode et l'autorité canonique du "curé", voire plus largement du ministère ordonné? Comment cette proposition devrait-elle conduire à la révision d'un certain nombre d'articles du Code de Droit Canonique? Cette manière de procéder pourrait-elle inspirer des prises de décision en-dehors de l'Eglise, et par exemple dans des domaines géo-politiques? Ajoutons que nous avons non pas d'abord assisté passivement à des exposés qui nous expliquaient la synodalité, mais travaillé en petits cercles qui la pratiquaient. Rencontres enrichissantes, donc, ne serait-ce que par les échanges entre curés venant d'horizons très divers (dans mon groupe francophone : un Luxembourgeois, un Français, un Libanais, un Camerounais, un Togolais, un Ivoirien, un Italien francophile, un Canadien; pour l'ensemble du Colloque, 99 pays représentés.)

Jeudi matin, nous avons longuement rencontré le pape, qui est en très bonne forme, sauf sa mobilité. Il a beaucoup plaisanté et ri avec nous, au cours d'un échange par ailleurs très direct dans lequel il a redit sa volonté de contribuer par tous les moyens à la paix dans le monde, même si on ne comprend pas toujours cette posture évangélique. Les guerres ne servent à rien, dit-il en substance, elles finissent toujours par des armistices et des compromis, mais après des boucheries épouvantables et des malheurs sans nom pour des populations entières. Elles n'apportent aucun profit à personne, sauf aux marchands d'armes...

En le saluant, je lui ai dit que nous l'attendions en septembre à Bruxelles ("Santità, la aspettiamo con gioia in Belgio  in settembre") et il m'a avec un grand sourire répondu "Si, si, ci vedremo allora!"

Et maintenant, il me faut écrire un rapport pour la Conférence des évêques. J'ai commencé mais  c'est un gros travail! Au boulot!

mercredi 24 avril 2024

Séjour romain

 Le pape a souhaité rassembler à Rome, la semaine prochaine, un certain nombre de curés de paroisses, pour demander leur point de vue sur le synode qui se tiendra en octobre prochain. La conférence épiscopale belge était priée d'envoyer un curé, et je suis l'heureux élu - ce qui me ravit, je vais pouvoir revoir la Ville éternelle que je n'ai plus fréquentée depuis cinq ans. Je pars vendredi, même si la rencontre ne commence que dimanche : j'aurai ainsi deux jours pour me balader dans ces rues tellement amies, tellement aimées, et depuis si longtemps. Tiens, je compte revisiter le Palais Colonna et aussi celui de Dora Pamphilj, ces merveilles! Et, au retour, je promets de proposer ici même un petit compte-rendu de ce qui se sera raconté dans ce colloque...

samedi 20 avril 2024

Actualité de saint Augustin

 Avant-hier jeudi, j'ai eu la joie de retrouver pour une soirée le Collège Saint Augustin à Enghien, dont je fus l'un des administrateurs de 2009 à 2020. Le Collège fête en effet en 2024 les quatre cents ans de son existence, et avait pensé organiser, pour ouvrir cette année jubilaire, une conférence à trois voix qui dirait l'actualité de son saint Patron. Je me suis donc trouvé, avec Luc de Brabandere et Laurent Hublet, face à une belle assemblée de plusieurs centaines de personnes dans la salle des fêtes de ce haut lieu d'enseignement.

Et nous avons parlé de la pertinence du grand écrivain chrétien : en matière de liberté et de libre-arbitre, de vérité, de transcendance, d'intimité et de... littérature, il reste un maître pour aujourd'hui, capable de déjouer la tentation des fake news et de vivre en bonne intelligence avec cette autre intelligence qui se veut artificielle.

Un beau débat.

Et, surtout, pour moi, de belles retrouvailles!

samedi 13 avril 2024

Diversité des tâches...

 Nous sommes samedi. Je me retourne vers la semaine qui s'écoule... Diversité des tâches! Ainsi : lundi, j'ai présidé les funérailles d'un ancien Président du Conseil d'Etat, paroissien habituel de la Cathédrale. Célébration sobre, émouvante, en phase avec la grande qualité humaine et spirituelle du Monsieur. L'après-midi, j'ai reçu et longuement écouté un autre paroissien qui entend mettre sa retraite à profit pour s'engager comme bénévole dans les oeuvres sociales de la Paroisse-Cathédrale (il y a encore, voyez-vous, beaucoup de bonnes volontés!) Mardi, j'ai longuement lu le récent document romain Dignitas infinita, avant de recevoir une autre paroissienne et de participer à une réunion du Comité Gudula, qui prépare l'année jubilaire de la Cathédrale (en 2026, nous fêterons les huit-cents ans de l'église gothique). Mercredi, j'ai passé toute la journée au Vicariat de Bruxelles, d'abord pour l'habituel Conseil Vicarial présidé par l'archevêque Mgr Terlinden, puis pour une réunion de travail avec le théologien liégeois Alphonse Borras, chargé de nous éclairer encore sur l'articulation entre prêtres et laïcs au sein des Unités pastorales. Jeudi, les prêtres du Doyenné étaient réunis chez moi d'abord pour une heure de formation : notre ami libanais Elie nous a présenté ses travaux actuels et son sujet de thèse, à savoir la théologie antiochienne des premiers siècles et la littérature syriaque qui la traduit - passionnant! Puis nous avons ensemble concélébré la messe et pris le lunch - toujours un beau moment de partage, avec les confrères. Après-midi, j'ai rencontré une famille qui veut faire baptiser son deuxième bébé. Hier vendredi, après la messe, je me suis rendu à Namur pour mon cours au Séminaire, consacré à la spiritualité jésuite et aux connexions entre elle, les textes carmélitains et ceux de l'Ecole française de spiritualité. Et ce matin, après deux rendez-vous durant lesquels j'ai reçu des couples qui se préparent au mariage sacramentel, j'ai eu la joie de baptiser un petit Adrien à la Chapelle mariale de la Cathédrale. Entretemps, j'avais bien sûr rédigé l'homélie que je prononcerai lors des offices de ce week-end - et d'abord ce soir à 17h30.

Diversité des tâches - mais vraiment, que du bonheur, tant est stimulante la joie de ces rencontres et de ces partages. Comment dit-on déjà? Ah oui : "Je ne donnerais pas ma place pour tout l'or du monde!"

mercredi 10 avril 2024

Dignitas infinita

 La Congrégation pour la Doctrine de la Foi, présidée par le Cardinal Fernandez, a publié hier un document ratifié par le Saint Père François, et intitulé Dignitas infinita, qui porte sur l'"infinie dignité", donc, de tout être humain. Préparé depuis environ cinq ans, ce texte relativement bref et dense redit la dignité "ontologique" (liée à son être même) de l'être humain. Et, dans la foulée, énonce quatorze circonstances par ou dans lesquelles cette dignité est bafouée. Parmi ces reproches : l'avortement et l'euthanasie, qui contredisent la dignité de la vie humaine "de son tout début à sa toute fin", la doctrine du "genre" qui voudrait se substituer à la différence sexuelle, mais aussi la dégradation de l'environnement, le refoulement des migrants ou la pénalisation (dans certains pays) et le rejet des personnes homosexuelles.

De quoi faire frémir aussi bien les "conservateurs" (on comprend pourquoi) que les "progressistes" (on comprend aussi pourquoi). Mais le pape se moque de ces catégories stupides, fourre-tout et désuètes. Il est une personne libre, et dit ce qu'il pense, que cela plaise ou non.

Heureuse liberté!

samedi 30 mars 2024

Pour le dimanche de la Résurrection

 Chaque année, la liturgie nous offre la joie de célébrer le coeur de notre foi : la résurrection de Jésus, le Christ, notre Sauveur. Les textes évangéliques qui nous présentent cette foi sont de deux types : les récits du tombeau vide (comme celui que nous entendons en ce dimanche de Pâques, extrait de l'évangile de Jean) ou les récits d'apparitions du Ressuscité, que nous entendrons pendant toute la semaine de l'Octave (ce jour qui dure huit jour, jour faste entre les jours...)

Les récits du tombeau vide commencent par une douloureuse surprise : fallait-il qu'à la mort ignoble du Bien-Aimé s'ajoute le drame de l'enlèvement, du rapt, de son corps? "On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l'a déposé" : décidément, la Madeleine qui est là, tout en pleurs, ne pense pas d'emblée à la résurrection de Jésus!

Il va falloir un acte de foi : l' Eglise - Pierre et "le disciple que Jésus aimait",  c'est-à-dire peut-être Jean lui-même, mais plus probablement tout disciple (tout disciple n'est-il pas "celui que Jésus aime"?) - l'Eglise donc ainsi représentée doit courir pour voir d'abord et constater les signes qui lui sont donnés : oui, le tombeau est vide, oui les linges mortuaires sont rangés, voilà ce que constate Pierre, lui, le premier pape, qui est entré le premier dans ce mystère de la foi. Mais il faut que "le disciple bien-aimé", tout disciple donc, vous et moi, aille plus loin et que par-delà les signes, il ose un acte de foi : "Il vit et il crut!" La vision, le constat, ne suffisent pas et ne remplaceront jamais ce libre acte de foi en la résurrection de Jésus.

Voilà ce que ce matin de Pâques réclame aussi de nous : la résurrection de Jésus demeurera toujours une énigme. Elle ne se dévoile que dans la foi, dans le saut de la foi. Même si elle était "prouvée" scientifiquement (on songe, par exemple, à tous les commentaires qui entourent aujourd'hui encore le linceul de Turin), même alors, cela ne suffirait pas. La résurrection sollicite notre foi, c'est-à-dire aussi notre libre consentement au don de Dieu qu'est la foi : voulons-nous, encore, consentir à la Vie nouvelle qui s'ouvre à nous, qui triomphe là de toute forme de mort, corporelle et spirituelle, psychologique et morale, individuelle et sociale? Voulons-nous, comme les baptisés de Pâques l'ont fait dans la nuit, faire ou refaire ce saut de la foi qui transfigure nos existences et les rend ouvertes et accueillantes à l'oeuvre de Dieu en nous?

Voulons-nous être des enfants de Pâques?

dimanche 24 mars 2024

Accueillir l'autre, sans peur

 Après la conférence de carême  donnée la semaine dernière par le Député Philippe Lamberts sur le défi environnemental - et sa lecture très pointue de l'Encyclique Laudato'si du pape François, qui motive largement son engagement politique de chrétien, c'était aujourd'hui notre archevêque, Mgr Luc Terlinden, qui donnait son point de vue sur un autre défi de taille : la question des migrations. Là encore, un appel vigoureux à entendre et à relayer la parole du pape en évitant d'abord de cultiver la peur face au phénomène migratoire de plus en plus présent dans nos grandes villes. Il en va, dit l'archevêque, de la nature même de l'Eglise, sacrement de salut pour le monde, pour tous les êtres humains, sacrement de leur unité. Gardons-nous de deux discours apparemment contraires, mais en vérité complices : soit un accueil sans régulation, soit un refus frileux tel que souvent prôné par des discours populistes, surtout à l'approche d'échéances électorales. Et rappelons aux responsables politiques leur obligation de traiter avec humanité les demandeurs d'asile...

Garder au coeur cette vision généreuse de l'Eglise qui porte au monde un message inclusif et humaniste : voilà comment entrer avec joie et gravité dans la Semaine Sainte! 

jeudi 7 mars 2024

Vouloir la paix, se préparer à la guerre...

 Hélas, de tous côtés des bruits de bottes... Des spécialistes en géopolitique, des hommes d'Etat d'envergure (comme Monsieur Macron) et des diplomates le disent : il faut prendre très au sérieux les menaces belliqueuses de Monsieur Poutine. L'Europe, qui s'est constituée en continent de paix depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, est menacée par des puissances qui ne connaissent guère comme logique que celle des armes : Russie, Chine, USA... Des puissances qui sont ou vont être aux mains de personnages autocratiques, pour lesquels la violence est le seul langage.

Nous avons eu la chance, en Europe de l'Ouest, de vivre une longue période de paix, oui. Mais il semble que nous devions maintenant nous préparer à la guerre, une guerre défensive si l'on nous attaque, pour protéger nos valeurs communes (parmi lesquelles, la démocratie participative). Y sommes-nous prêts? Je ne parle pas d'abord de préparation militaire (troupes, matériel) - comme elle est affligeante, la perspective pourtant nécessaire du réarmement, qui va évidemment ravir les marchands de canons. Mais je parle d'une préparation spirituelle, pour que, si guerre il y a malheureusement, elle soit vécue et traversée "en chrétiens". D'abord, en continuant à vouloir la paix par tous les moyens, débats, conférences, diplomatie, etc., ne recourant à l'option des armes qu'en dernier lieu. Ensuite, en réarmant nos coeurs et nos esprits pour qu'ils sachent bien la grandeur de ce qui est, chez nous, à défendre : une certaine idée de la dignité humaine et du respect qui lui est dû, une certaine idée de la justice et du droit, une certaine idée de la liberté d'expression - et notamment de religion - dans un contexte pluraliste, etc. Je ne suis pas toujours certain de la fermeté de ces convictions!

Il semblerait que l'histoire, si elle ne se répète pas, du moins bégaie. Les plus anciens se souviendront du courage de Monsieur Churchill, en mai 1940, lorsqu'il décida de résister au nazisme précisément pour défendre les valeurs pré-citées. Lorsqu'il s'en expliqua,  Premier Ministre fraîchement nommé par le Roi Georges VI, dans un discours radiodiffusé où il déclara à ses concitoyens n'avoir à promettre que "du sang et des larmes" pour veiller à cette sauvegarde. Lui et quelques autres (comme De Gaulle, bien sûr) ont contribué au salut et à la paix de notre Europe. Suivrons-nous leurs traces?

Tout cela m'inquiète beaucoup, pas pour moi qui ai largement ma vie derrière moi, mais pour les jeunes générations, dont je suis de plus en plus persuadé qu'elles devront se battre pour défendre non seulement un territoire, mais un certain art de vivre. Ce sera, encore une fois, une bataille militaire, sans doute, mais d'abord et avant tout, une bataille morale et spirituelle. Si vis pacem, para bellum, disaient avec sagesse les Romains : "Si tu veux la paix, prépare la guerre!" Nous voulons la paix, de toutes nos forces. Alors...

mardi 27 février 2024

Ah! Les amourettes des jeunes...

 Reçu aujourd'hui un jeune de seize ans, musulman de culture et d'origine, qui souhaite se convertir à la foi chrétienne et qui demandait pour cela la procédure à suivre. Son histoire : fasciné par Jésus, il l'a prié et lui a demandé son aide, "alors que cela ne se passait pas bien avec sa copine"... Et il a été exaucé! La seule église dans laquelle il soit jamais entré étant la Cathédrale, c'est tout naturellement qu'il y est revenu pour dire son désir de devenir un disciple de ce Jésus qui semble l'attirer à lui.

Comme quoi les amourettes de jeunes, hein, c'est plus sérieux qu'il n'y paraît! Et le Bon Dieu y est présent, sans aucun doute!

lundi 19 février 2024

Nos catéchumènes

En ce premier dimanche de Carême, dans diverses églises du Pays - dont la cathédrale de Bruxelles -  des centaines de catéchumènes adultes  ont répondu à l' "appel décisif" que leur évêque leur adressait au nom de l'Eglise : oui ou non, veulent-ils devenir chrétiens et suivre le Christ durant toute leur vie, et veulent-ils commencer par le rejoindre dans tous les déserts de nos existences, au début de ce temps qui les prépare à leur baptême? Il est émouvant de voir que beaucoup de jeunes gens se sont préparés depuis quelques années à cette décision magnifique.

Le christianisme n'est plus, et ne sera plus - heureusement - une "chrétienté" dans nos pays : il est fini, le temps de cette domination sociale qui, bien qu'ayant porté de beaux fruits, était aussi très largement artificielle et a probablement contribué à occasionner toutes sorte d'abus désormais dénoncés. Plus modeste, la "Voie" chrétienne n'en demeure pas moins pertinente pour de nombreuses personnes, qui voient en elle une source d'épanouissement personnel et de bonheur individuel et collectif.

Les voir assemblées, ces personnes, en divers lieux éminents de notre Pays, est une source d'espérance au début de ce Carême.

dimanche 11 février 2024

Entrée en Carême et... Saint Valentin

 Vous l'avez repéré : cette année, le début du Carême - mercredi des Cendres, soit mercredi prochain 14 février - correspond à la très populaire fête de Saint Valentin, la "fête des amoureux"... Ce rapprochement n'est pas si étrange. Après tout, le Carême n'est-il pas un temps durant lequel Dieu veut renouveler son alliance avec son Peuple, et avec chaque membre de son Peuple? N'est-il pas un temps de séduction, comme le prophète Osée l'avait souhaité, lui qui attendait de Dieu qu'il "séduise son épouse infidèle, l'entraînant jusqu'au désert pour lui parler coeur à coeur" (Os 2, 16)? Ah! Si, comme les amoureux, nous pouvions retrouver en Carême les premiers empressements de notre alliance avec Dieu! N'est-elle pas là, la vraie conversion, n'est-elle pas plus importante que je ne sais quelle éphémère privation de chocolat ou d'autre chose?

J'ai resongé, tiens, au drôle de roman d'Alexandre Jardin, sorti il y a déjà longtemps chez Gallimard, intitulé Le Zèbre : le héros, Gaspard, trouve que son couple est fatigué, ronronne dans la monotonie après quinze ans de mariage, et il entreprend de "reconquérir" Camille, son épouse, inventant pour cela des tas de stratagèmes plus désopilants les uns que les autres (A. JARDIN, Le Zèbre, Gallimard, 1988). Et si nous vivions ce Carême, nous aussi, comme ce moment créatif où l'on consent à se laisser une nouvelle fois séduire par Celui qui ne cesse de nous vouloir et de nous attendre, parce que, tout simplement, il nous aime? 

Déjà donc, bon Carême, bon mercredi des Cendres - et bonne Saint Valentin, les amoureux!

samedi 13 janvier 2024

Voeux et nouvelles

 Comme certains le savent, 2024 a commencé pour moi (et même déjà la fête de Noël) par une longue hospitalisation qui ne s'est achevée qu'hier : il s'agissait de traiter une septicémie qui a bien failli m'emporter. Apparemment, ce n'était pas mon heure : me voilà rentré chez moi, avec la perspective de quelques semaines de convalescence, mais en bonne forme - et même bénéficiant d'un bilan de santé complet, qui pour mon âge est excellent!

Durant cette période de soins hospitaliers, j'ai lu... entre autres les quelques romans magnifiques de l'entre deux guerres, chez Mauriac : Genitrix, La chair et le sang, Le baiser au lépreux, etc. Quelle vision remarquable de la foi chrétienne, qui n'ignore rien des bassesses de la condition humaine, mais les rejoint et les transfigure de l'intérieur, modestement, durablement. Et la langue! La musique de Mauriac est une merveille!

Nous voilà bien loin des discussions souvent stupides qui accablent les décisions pastorales du Saint Père, et notamment le récent document Fiducia supplicans, de la Doctrine de la Foi, ratifié par lui. Comment, se récrient les pharisiens d'aujourd'hui, on va se mettre à bénir les couples "irréguliers" (divorcés-remariés, homos, etc.)! Scandale! On nous change la doctrine! Le pape est hérétique! On lit ces âneries effarouchées sous des plumes qui prétendent sauvegarder la "vérité de l'Evangile et de sa doctrine"! Sauf qu'il s'agit là non de doctrine, mais de discipline morale de l'Eglise, et que si celle-ci s'infléchit dans le sens d'un accueil chaleureux (enfin!), on ne peut qu'applaudir. Les fossoyeurs de l'Eglise, ce sont les modernes inquisiteurs dont on se demande s'ils ont quelquefois été frôlés par la grâce... Qu'ils lisent Mauriac, tiens, cela leur fera une cure d'Evangile!

Allez! Bonne année à chacune et chacun, restons joyeux de la joie de Dieu!