mercredi 16 octobre 2024

Réconcilier des inconciliables

 Faisant cours ce soir à des enseignants de religion catholique, j'essayais de leur faire entendre que la foi catholique aime concilier des inconciliables - ou, pour utiliser un terme technique, aime la "polysyndète", cette insistance sur l'addition, du genre : "J'ai vu et Jules et Paul et Suzanne..." Oui, la foi catholique aime le "et et" et ne supporte guère le "ou ou". Ainsi : nous parions en anthropologie chrétienne pour "et la grâce et la liberté"; en christologie pour un Christ qui est "et Dieu et homme"; en ecclésiologie pour  "et tous responsables et quelques-uns responsables." Etc. Choisir l'un contre l'autre, c'est assez vite verser dans l'hérésie (le terme du reste vient du grec 'hairein' qui signifie simplement : 'choisir'.)

Quelques préoccupations contemporaines me semblent pouvoir être considérées sous cet angle. Par exemple : la question de l'avortement, si débattue encore après la sortie du Pape dans l'avion qui le ramenait à Rome. Il faudra bien apprendre, tout de même, à tenir ensemble des vérités qui semblent a priori inconciliables. Oui, la grossesse concerne le corps de la femme enceinte - c'est une évidence et cette évidence génère un droit. Mais ET oui, la grossesse concerne aussi un autre corps que celui de la femme enceinte, et il faudra bien un jour respecter aussi ce point de vue : un foetus humain n'est pas une tumeur dont on se débarrasse avec soulagement. Comment concilier ces deux aspects? C'est là que le législateur doit être intelligent, sans faire jouer l'une contre l'autre une dimension du problème. Nous n'y sommes pas, manifestement!

Autre problème, international celui-là : Oui, Israël a le droit d'occuper en sécurité le territoire que les Nations-Unies lui ont octroyé en 1948. Mais ET oui, les Palestiniens ont le droit de trouver ou retrouver une terre à eux, avec des institutions qui les protègent de leurs ennemis extérieurs et intérieurs. Là aussi, espérons des diplomates une vision complexe des choses, capable enfin de ramener la paix dans ce Proche-Orient martyrisé.

Dans les deux cas pré-cités, il faut pour concilier les inconciliables renoncer à l'idéologie. C'est le sacrifice le plus nécessaire. Le plus difficile, aussi. Demandons-le pour nous et pour tous!

3 commentaires:

  1. Il me semble, mon ami, que, en guise de "et et", tu mélanges des pommes et des poires ! En l’occurrence la théologie et la politique partisane. Notamment. En quoi la loi sur l'interruption volontaire de grossesse désigne-t-elle le foetus comme une tumeur ? En quoi cette loi définit-elle une manière de le considérer comme tel ? En quoi une femme serait-elle obligée de souffrir, moralement, psychologiquement, physiquement ? Poussons ton résonnement qui me paraît absurde. Chez les mammifères dont nous sommes, le placenta est à la base lié à une infection virale qui ne toucha pas un continent comme l'Australie. S'il faut à tous prix préserver un Devenir, ne fallait-il pas accepter et la COVID-19 et refuser tous soins contre des infections bactériennes, microbiennes et virales ? ... Vive la mucoviscidose puisque le gène qui la développe protégea la population de dysenterie lors d'inondations récurrentes sous l'Ancien Régime ! A l'inverse, en résumant la création de l'Etat d'Israël, dont l'existence ne saurait être contestée - même le Hamas réclame le retour aux frontières de 1967 en sa dernière charte (2017) -, au vote des Nations Unies, tu fais l'impasse sur le fait que des Occidentaux se sont donnés pouvoir sur des territoires qui ne leur appartenaient en rien - et dans la paix, bien sûr, ce n'était pas une volonté de domination...-, ainsi que sur le fait que, hors présence juive et achat de terres, la résolution octroie des terres acquises via terrorisme... Poussons ici aussi l'absurde : "Et et", cela devait-il signifier dans les années 1930 et 40 "et Hitler, et la population juive" ? ... Pour revenir sur cette période, la biopolitique, non merci ! Tiens, d'un point de vue culturel, ne serait-ce pas là une émanation d'un certain patriarcat européocentriste ? Ceci écrit, j'ignore ce que dit la voie du Tao de l'avortement... Mais que qui n'a jamais péché nous jette la première pierre...

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    1. Cher Olivier, comme tu le sais et comme le disait Proudhon (qui ne passe pas pour être un Père de l'Eglise), "derrière toute politique il y a une théologie". Je voudrais seulement faire réfléchir à cette posture théologique du catholicisme, qui veut concilier des inconciliables et voir dans quelle mesure elle peut aider à résoudre des conflits. Evidemment, cela suppose de renoncer à considérer son point de vue comme le seul pertinent, quoi qu'il en soit de l'argumentaire utilisé à cette fin. Ta réaction me montre en effet que ce n'est pas acquis...

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    2. Quelque fois il faut regarder le ciel

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