Comme beaucoup j'ai regardé les célébrations de ré-ouverture de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, ce week-end. Et comme beaucoup, sans doute, je suis rempli d'enthousiasme - même si les chapes de Castelbajac offrent une esthétique, mettons, discutable!
Ah! Notre-Dame! Quelle histoire! Un concentré des rapports difficiles, quelquefois séducteurs, entre le Trône et l'Autel...
Ainsi :
- lorsque son édification est décidée par l'évêque Maurice de Sully, au XIIème siècle, c'est pour opposer son prestige au pouvoir royal
- lorsque Louis IX lui offre la précieuse relique de la Sainte Couronne d'Epines... c'est pour placer cette relique dans la Sainte Chapelle, non loin de là, histoire de ne pas donner trop de prestige à la Cathédrale
- lorsqu'au XVIe siècle le futur Henri IV y fait célébrer son (éphémère) mariage avec Marguerite de Valois (la "Reine Margot"), c'est dans l'espoir, réintégrant ainsi l'Eglise Catholique, de donner une fin honorable aux Guerres de Religion
- lorsque le petit-fils d'Henri IV, Louis XIV, y fait chanter des Te Deum pour célébrer ses victoires militaires, c'est pour faire valoir son gallicanisme et sa prétention de détenir un pouvoir plus grand que celui du pape
- lorsque Napoléon en 1804 s'y fait sacrer Empereur des Français, préférant ce lieu à la Cathédrale de Reims pour des motifs évidents (ne pas trop ostensiblement renouer avec la monarchie et ses rois qui se faisaient sacrer à Reims), c'est pour affirmer sa primauté sur une religion catholique qu'il utilise mais ridiculise - il a fait venir pour ce sacre le pauvre pape Pie VII et lui arrache la couronne des mains, la plaçant lui-même sur sa tête
- lorsque Victor Hugo publie son Roman "Notre-Dame de Paris", au XIXème siècle, c'est pour exalter le petit peuple de Paris, exploité à l'ombre de cette église par un clergé tout puissant et sans scrupule
- lorsque Clémenceau, en 1918, refuse de participer à un Te Deum célébrant à Notre-Dame la victoire des Alliés lors de la Première Guerre mondiale, c'est pour affirmer son anticléricalisme revendiqué et le souci de respecter la stricte séparation de l'Etat et de l'Eglise
- lorsqu'en revanche le Général De Gaulle en 1944 fait entonner un Magnificat à Notre-Dame pour célébrer la proche victoire, c'est en écartant de cette célébration le Cardinal Emmanuel (tiens, un prénom...) Suhard, alors archevêque mais jugé trop pétainiste
- lorsque les Présidents De Gaulle, Pompidou et Mitterrand décèdent, une messe est célébrée selon leur volonté à Notre-Dame en présence de chefs d'Etat étrangers, mais leurs obsèques sont privément célébrées ailleurs
- lorsque la Cathédrale est la proie des flammes, c'est le Président de la République qui s'engage à sa reconstruction endéans les cinq années - pari réussi
- lorsqu'hier et aujourd'hui la ré-ouverture de cette église est célébrée, c'est en présence de nombreux (et importants) chefs d'Etat étrangers, mais sous la présidence de l'archevêque et en l'absence du pape, qui a décliné l'invitation.
Ah! Notre-Dame, lieu symbolique de tant et tant de choses, mais aussi des rapports si délicats, si nécessaires aussi sans aucun doute, et des alliances tellement compliquées entre le Trône et l'Autel!
Qu' Emmanuel Macron ait pu conclure son discours par un 'vive la république' à l'intérieur même de Notre Dame... confirmera la réticence du Pape François à ne pas cautionner cet événement encore trop emprunt de gallicanisme.
RépondreSupprimerLes français sont les spécialistes de la prise d'otage de l'Eglise catholique, voire de la personne même du Pape. Avant l'affront infligé à Pie VII par Napoléon, les troupes révolutionnaires avait fait prisonnier en 1798 son prédécesseur Pie VI, qui refusait de rénover a son pouvoir temporel, pour le ramener en France où il mourut à Valence. Quels précédents !
RépondreSupprimerNôtre Dame, veux tu que les hommes changent ?
RépondreSupprimer