vendredi 4 décembre 2020

Il faudrait se rendre à Colmar...

 A Colmar, au musée Unterlinden, se trouve l'un des chefs-d'oeuvre de l'humanité :le retable dit d'Issenheim, peint par Matthias Grünewald, au début du XVIème siècle. Le "mal des ardents" brûle alors la population pauvre, à cause de céréales mal cultivées et nocives - les paysans ont des membres gangrenés, les extrémités des doigts et des pieds les font se tordre de douleur, c'est une épidémie sans vraie solution sanitaire. Au couvent tenu par les Antonins, disciples de saint Antoine du désert, on accueille ces malades, et on ne leur offre pas un vaccin (inexistant), mais un polyptique, dont le tableau central représente le Christ en Croix : c'est le fameux polyptique d'Issenheim, demandé au peintre Matthias Grünewald. 

Voyons le tableau central. Le fond en est on ne peut plus sombre, plus noir - toute lumière en a disparu. C'est la nuit. C'est la crucifixion de l'amour, d'un Christ marqué par les plaies de ceux qui le regardent, ces malades aux stigmates, les doigts déjà presque détachés de la main et du corps. Mais le plus remarquable, c'est ce qui se passe au pied de la croix : à gauche, certes, Marie, la mère de Jésus, comme dans toute l'iconographie traditionnelle, est soutenue par saint Jean. Mais à droite se trouve un personnage anachronique : Jean le Baptiste, qui, historiquement, était mort depuis belle lurette quand Jésus fut mis en croix. De sa dextre, il montre le Christ, comme les Evangiles nous disent qu'il l'a toujours fait; dans sa main gauche, le livre ouvert des Ecritures : voilà où vous pourrez rencontrer Celui que je vous présente comme "l'agneau de Dieu qui enlève le péché - et le mal - du monde". Du reste, un petit agneau, à ses côtés, confirme la chose...

Deuxième dimanche de l'Avent : nous lisons encore saint Marc et la présentation qu'il fait, précisément, du Baptiste, de son baptême de conversion qui annonce l'autre, le baptême de sang et de feu, d'immersion complète dans les plaies de Jésus, le baptême chrétien. 

Nous portons désormais avec Lui, le crucifié, les plaies du monde en même temps que les nôtres. Jean le Baptiste ne se désigne jamais lui-même - beau signe du véritable apôtre, il ne se montre pas lui-même, mais disparaît ("Il faut que lui grandisse et que moi, je diminue"... vraie devise du prêtre, du prédicateur, de l'évêque, de tous ceux qui auraient tendance, ou envie, au nom de leur mission, de se mettre en avant...) Comme le Baptiste, nous annonçons la conversion nécessaire pour rencontrer non pas seulement un purificateur, mais un Sauveur - tout autre chose! Quelqu'un qui, venant de Dieu et nous faisant retourner à Dieu avec lui - nous guérit entièrement de nos plaies physiques et spirituelles.

Deuxième dimanche de l'Avent  : Jean le Baptiste nous initie doucement à la vie chrétienne, au mystère du Christ Sauveur, il nous le désigne. Il faudrait se rendre à Colmar, aujourd'hui et ce week-end, et passer des heures, en ce temps de pandémie, devant le retable d'Issenheim - c'est impossible.

Alors, un reportage?


1 commentaire:

  1. Merci Monsieur le Doyen pour cette visite virtuelle d'un chef-d'oeuvre hautement symbolique!

    RépondreSupprimer