lundi 28 avril 2025

Mort de François : les mots touchants d'Edith Bruck

 Edith Bruck, née en 1931, est une écrivaine, actrice et scénariste juive d'origine hongroise, rescapée des camps nazis, et qui depuis longtemps vit à Rome. Le pape François connaissait son oeuvre et avait tenu, en février 2021, à lui rendre visite dans son appartement romain. S'ensuivit une amitié - certains diront même "un peu amoureuse", il était possible qu'en tout bien tout honneur le pape ait eu un petit "boentje" pour elle, comme on dit à Bruxelles...  François lui téléphonait parfois, prenait des nouvelles de sa santé, de son oeuvre (oeuvre importante, notamment traduite en français par mon ami René de Ceccatty). Apprenant la mort du pape, Edith Bruck a voulu lui adresser cette lettre posthume, également traduite par René :

"Il nous manquera, comme le pain aux affamés, comme la paix aux êtres humains, comme la lumière dans les ténèbres. Sa voix nous manquera pour faire taire partout les armes. Ses appels téléphoniques, son doux accent argentin me manqueront. Son affection chaleureuse me manquera et ses voeux pour mes anniversaires. Je me rappellerai à jamais sa visite chez moi et à travers moi à tout le peuple juif pour les persécutions et la shoah." (Edith Bruck, 22 avril 2025)

Oui, adieu pape François. Tu manqueras à beaucoup, beaucoup de gens sur cette terre...

mardi 22 avril 2025

Adieu, François


 Ainsi donc, le pape est mort, après avoir le jour de Pâques offert "urbi et orbi" ("à la ville - de Rome, dont il est l'évêque - et au monde") sa dernière bénédiction.

Bien des commentaires sont faits, partout, sur tous les supports médiatiques, et ils sont souvent pertinents. On salue un homme qui a de façon déterminée plaidé pour la paix, pour le respect de la "maison commune", pour la dignité des personnes fragiles et pauvres comme les migrants, pour le respect de toute vie humaine - même celle qui est encore en gestation . On déplore sa frilosité pour un certain nombre de réformes dans l'Eglise (plus de place eux femmes, aux couples dits "irréguliers", etc.), on déplore aussi sa fermeté sur des questions sociétales comme l'avortement ou l'euthanasie. 

En tous les cas, il aura été un homme libre. Ses douze années de pontificat ont bousculé la vieille Eglise Catholique. Et, parmi la poignée de dirigeants du monde qui "comptent", j'aime à penser qu'il aura été le plus relevant, au milieu des Trump, Erdogan, Poutine et compagnie.

J'ai rencontré cet homme à plusieurs reprises, séduit par sa générosité, son empathie, son humour. Je ne doute pas qu'il continue à prier pour l'Eglise qu'il a servie, et... pour son successeur!

dimanche 13 avril 2025

Semaine Sainte

 En ce dimanche des Rameaux et de la Passion, nous avons lu et médité le récit de la Passion de Jésus dans la version de l'évangile de Luc. J'y note un trait : au moment de la triple trahison de Pierre, le coq chante comme Jésus l'avait prédit à l'apôtre qui, matamore, lui avait assuré qu'il le suivrait "jusqu'en prison, jusqu'à la mort." Trois fois, pris de panique sans doute, il vient de renier - c'est alors que l'évangéliste écrit : "Le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre..." Ce regard change tout : il est à la fois de vérité et de pardon.

De vérité : transpercé par lui, Pierre se voit tel qu'il est, il est placé face à la vérité de lui-même, de sa fragilité, de sa pauvreté. Il n'est pas le va-t-en-guerre, le fanfaron qu'il prétendait. 

De pardon : en même temps, ce regard de vérité le relève et déjà le ressuscite. C'est un regard de miséricorde, celui que Dieu ne cesse de porter sur nous.

Le texte continue, évoquant la réaction de l'apôtre : "Il sortit et pleura amèrement..." Bienheureux, ces pleurs, qui lavent et libèrent  de l'enfermement tant dans le mensonge que dans la culpabilité.  Bienheureuse humanité de l'être humain, ainsi restaurée sous le regard de Dieu.

Pendant la Semaine Sainte, la Grande et Sainte Semaine qui s'ouvre, si nous nous laissions regarder par ce regard, le regard de celui qui aujourd'hui encore porte sur lui, avec la Croix, le péché du monde et le transfigure en nouvelle possibilité d'aimer. J'ai beaucoup médité ces jours-ci le verset paulinien de la Deuxième Lettre aux Corinthiens : "Celui qui n'a pas connu de péché, Dieu pour nous l'a fait péché, pour que nous devenions en lui justice de Dieu." (2Co 5, 21) De plus en plus, à mesure que le temps passe et que je vieillis, à mesure que je regarde, souvent effrayé tout de même, l'état du monde, je me dis que la Passion de Jésus est ce qui fait entrer l'humanité dans la justice véritable, celle de Dieu, précisément parce qu'elle est seule capable de conjuguer en Christ vérité et miséricorde. En cette humilité - humilité de Dieu - se trouve la grandeur de l'être humain, la seule dont le monde ait besoin. 

lundi 7 avril 2025

Marie Noël, Bernanos : les deux dernières conférences du Carême 2025 à la Cathédrale de Bruxelles

 Le dimanche 23 mars, Arnaud Montoux venait à Bruxelles évoquer Marie Noël - brillant professeur à l'Institut Catholique de Paris, remarquable théologien, Arnaud est le postulateur de la cause de béatification de la poétesse d'Auxerre. Exposé chaleureux, vivant, rendant bien compte de ce qu'est la foi traversée par le doute et de la façon dont l'exercice poétique a permis à cette femme de grandir en paix dans ce tourment. 

Hier, 6 avril, c'est Mgr Patrick Chauvet qui est venu "en coup de vent" nous parler du grand Bernanos et de "l'invincible espérance" dont son oeuvre est porteuse. Là aussi, exposé brillant et chaleureux, montrant l'intransigeance bernanosienne en matière de vérité - seul socle possible de l'authentique espérance.

Les trois conférences de de Carême - Mme Thabut, le P. Montoux et Mgr Chauvet - ont ainsi montré, chacune à sa façon, l'importance de la littérature pour grandir dans la foi et pour nous préparer à accueillir le mystère de Pâques que les prochaines liturgies vont bientôt réveiller en nous!

jeudi 3 avril 2025

Rome, printemps 2025

 Je viens de rentrer de Rome, où j'ai participé le week-end dernier, dans le cadre de l'année jubilaire, à un colloque des "missionnaires de la miséricorde". 

Première impression :  la foule, compacte, immense, qui sans arrêt et chaque jour, par dizaines de milliers, franchit la distance qui sépare la Piazza Pia de la Basilique Saint-Pierre. Une foule bigarrée, enthousiaste, souvent jeune, venue de partout dans le monde célébrer l' espérance, que le pape a voulu mettre au coeur de cette année jubilaire. Il y aurait donc des gens, et nombreux, qui veulent espérer encore et encore, envers et contre tout? Oh bonheur de s'en rendre compte!

Les échanges, ensuite, théologiques et quelquefois un peu techniques (canoniques) sur ce qui est la mission que le pape confie à ses "missionnaires de la miséricorde". Une mission par lui renouvelée, et inscrite dans la durée... Echanges, oui, et aussi célébrations et concert et prière (du chapelet, dans les Jardins du Vatican, pour la santé de François).

Et puis, il y a Rome, bien sûr! "Roma Amor" comme disaient les Anciens, l'Vrbs, la Ville, la païenne et la chrétienne, la juive aussi (dîné dimanche soir dans un restaurant de l'ancien Ghetto, derrière la Synagogue, et resongé à cette adresse du saint pape Jean-Paul II au Grand Rabbin de l'époque : "Vous êtes nos frères dans la foi, nos frères aînés!")

Au bord du Tibre, tiens, à propos de la Rome païenne, j'ai lu le dernier récit romanesque de Catherine Clément, précisément intitulé Païenne (Seuil, 2025) : avec talent, elle y imagine les derniers mois de la Pythie de Delphes, en 392, lorsque l'empereur Théodose interdit les cultes païens dans l'Empire et fait fermer les vieux sanctuaires. Quel drame pour ces croyants païens ainsi dépossédés! Quel moment décisif aussi, dans l'utilisation politique du religieux, pour asseoir l'autorité d'un empereur qui veut unifier ses possessions. Se méfier, toujours, de cette intolérance...

Revenu, donc, avec au coeur la volonté d'être toujours davantage témoin de la miséricorde surabondante du Père. Assuré de voir là une réponse, et peut-être la réponse, au chaos qui gronde aujourd'hui autour de nous.