L'Evangile proclamé ce dimanche, à savoir la version des Béatitudes en saint Luc, a de quoi nous faire méditer... L'accent lucanien est en effet plus rude que celui de Matthieu : ainsi, là où ce dernier met sur les lèvres de Jésus "Bienheureux les pauvres de coeur...", Luc se contente d'un "Bienheureux les pauvres" et l'assortit d'une malédiction : "Malheureux les riches!"
Malheureux les riches! Pourtant, nous voyons que la richesse, et surtout ce que l'on nomme parfois "l'hyper-richesse", chez les patrons qui brassent des milliards d'euros ou de dollars, a comme une fâcheuse tendance, un peu partout, a s'emparer du pouvoir. Comme s'il était légitime que la richesse gouverne les peuples!
On oublie que cette hyper-richesse est un malheur. Ou même simplement une tristesse. La mise en garde de Jésus est claire : ceux qui ont tout et ne désirent plus rien, ils ont leur consolation. Une fois dans ma vie, je suis entré chez l'un de ces "hyper-riches" : c'était une espèce de forteresse aux murs ornés de tableaux de grand prix, sans doute, mais à l'atmosphère lugubre. Cette usine à fabriquer du fric faisait plus penser à un funerarium qu'à autre chose! Oui, il y a une tristesse de la richesse.
Et un bonheur de la pauvreté. Oh, entendons-nous bien : un bonheur de la pauvreté, pas de la misère. Bien sûr il faut assurer à chacun de quoi vivre dignement, et ce n'est gagné nulle part. Mais il y a un bonheur du manque, du creux, parce que le désir ne peut passer que par là. Et, avec le désir, l'espérance. Nous entendions aussi saint Paul, ce matin, et son observation à des Corinthiens tentés de ne pas croire à la résurrection des morts : "Si vous avez mis votre espérance en Christ pour cette vie-ci seulement, vous êtes les plus à plaindre de tous les hommes!"
S'enclore dans la seule matérialité de l'ici-bas, dans l'amoncellement de biens et de pouvoirs comme dans l'horizon du seul bonheur possible, c'est ça, le malheur.
Oui, malheureux les riches. Et vive ceux qui, comme saint François, rappellent à l'Eglise si souvent tentée de l'oublier, elle aussi, que c'est en épousant "Dame pauvreté" que l'on prend le chemin du bonheur.