mercredi 28 mai 2025

Mais où donc faut-il regarder?

 La célébration de l'Ascension a d'abord de quoi nous plonger dans la perplexité, surtout en l'année liturgique "C" (celle-ci), quand nous avons entendu proclamer à Pâques l'Evangile de la Résurrection dans la version de Luc. Aux femmes déconcertées devant le vide du tombeau, les anges n'ont-ils pas déclaré : "Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts?"  Mais le même évangéliste Luc, auteur du Livre des Actes des Apôtres que nous lisons en cette solennité de l'Ascension, rapporte que des anges, encore, messagers des mystères divins, dirent aux apôtres qui regardaient le ciel où Jésus s'était élevé et avait disparu : "Pourquoi cette admiration en regardant le ciel?" 

D'où la perplexité dont je fais état : mais où faut-il donc regarder pour retrouver Jésus Ressuscité?

Pas parmi les morts, en effet : pour les chrétiens, Jésus n'est pas un personnage exemplaire du passé dont on ferait encore mémoire avec gratitude aujourd'hui, retenant quelques préceptes bienvenus de ses enseignements au sein d'un asbl appelée "Eglise" et qui perpétuerait son souvenir. Non. Il est le Vivant de Pâques, et ce n'est pas parmi les morts qu'il faut désormais le ranger ou le chercher.

Mais il ne s'agit pas non plus d'échapper à la condition humaine, pour le chercher. On ne le trouvera pas dans de mystiques (ou pseudo-mystiques) élévations, dans des désincarnations, dans des nirvanas éthérés, bref, dans toutes sortes de "ciels" ou de "cieux" évanescents où il n'est pas non plus!

Alors, où?

Dans l'ici-bas, avant de le rejoindre dans l'au-delà. Dans l'ici-bas, dans le concret, dans le quotidien, dans les relations humaines, familiales, sociales, professionnelles, culturelles, tout ce qu'on veut. Dans l'Eglise, qui est son Corps vivant et terrestre, et que les baptises constituent malgré leur faiblesse, dans l'Eglise qui est le Sacrement du Ressuscité, le signe tangible, visible et actuel de sa présence. Dans les sacrements de l'Eglise, qui nous unissent à ce Corps - ceux de l'initiation, d'abord, puis les autres qui en sont comme des rappels nécessaires.

Oui, dans l'ici-bas. Ni dans la tombe où il n'est plus. Ni dans l'imaginaire où il n'est pas. Dans le réel.

samedi 10 mai 2025

Léon XIV

 Dans l'élection d'un pape, tout est signifiant :  ce qu'il revêt comme vêtements liturgiques pour sa première présentation au Peuple, les premiers mots qu'il adresse à cette occasion et, avant cela, bien entendu, le nom qu'il s'est choisi pour exercer son pontificat.

Robert s'appellera donc Léon, quatorzième du nom.

On n'a pas fini de se demander pourquoi, mais on devine déjà quelques raisons quand on fait la liste de ses prédécesseurs. Ainsi :

Léon Ier, dit Le Grand, qui fut pape au milieu du Vème siècle, exerça une activité pacificatrice dans l'Eglise (notamment dans l'affirmation des deux natures du Christ, qui fut avalisée par le Concile de Chalcédoine en 451), mais aussi dans le "monde" d'alors - il négocia avec les Barbares l'indépendance de Rome. Un pape pour pacifier l'Eglise, pour pacifier le monde : une esquisse de programme?

Léon XIII, au carrefour des XIXème et XXème siècles, est surtout connu pour son Encyclique "Rerum Novarum", la première grande Encyclique sociale de l'ère contemporaine, dans laquelle il appelait le patronat au respect du monde ouvrier et déclarait légitimes les syndicats. Un pape pour rappeler que la justice sociale est toujours un combat : autre priorité du pontificat?


On verra. En attendant, nous rendons grâce pour Léon XIV et prions pour lui!

mercredi 7 mai 2025

Angelo Rinaldi est mort

 J'ai appris cet après-midi le décès de mon ami Angelo Rinaldi. Corse d'origine, écrivain de talent et critique littéraire redouté, membre de l'Académie Française depuis 2001, Angelo m'honorait de sa fidèle amitié, depuis plus de trente ans. Chaque fois que je me rendais à Paris, et encore récemment, nous nous arrangions pour dîner chez Lipp (dont il avait fait sa cantine) et pour commenter la vie littéraire parisienne, dont il restait un observateur attentif - quelquefois féroce. 

Excellent critique, donc, craint pour ses assassinats littéraires (Simenon, Duras, entre autres gloires,  en firent les frais), il était sans concession. Il  prétendait vouloir faire non pas une carrière (auquel cas il eût léché les bottes des écrivains et éditeurs qui lui envoyaient leurs livres) mais un métier, et cela le plus honnêtement possible, en disant ce qu'il pensait. C'était courageux et cela ne lui valut pas que des amis!

Romancier, aussi, auteur d'ouvrages dans lesquels le style comptait plus que l'intrigue - ce qu'on lui a beaucoup reproché, mais qui pour moi le plaçait dans une lignée prestigieuse, Saint-Simon, Balzac ou Proust, dont il savait par coeur les morceaux de bravoure.

Je l'ai encore appelé la semaine dernière - il était hospitalisé, très essoufflé, et m'a seulement demandé de prier pour lui, ce que je fis et continuerai à faire. Il entretenait avec la foi catholique un rapport mystérieux, fait d'esthétique et d'espérance, mais un rapport que je crois absolument authentique.

Il est donc mort le jour où les Cardinaux entraient en Conclave - cela l'aurait amusé, et surtout, il eût été fier de voir entrer dans la Chapelle Sixtine le Cardinal Bustillo, élégant évêque corse, dont la récente élévation au Cardinalat l'avait enchanté - enfin, l'Eglise avait de la considération pour son île!

Je ne sais pas s'il y a un lien entre ces deux événements - Dieu sait. Mais, pour les deux, en effet, je prie!