lundi 15 décembre 2025

Non à l' "identitarisme"

 Voici donc un néologisme : l' "identitarisme". Entendons par là : une volonté affichée de se replier sur une "identité" prétendue ou réelle, culturelle ou religieuse, ou les deux.

Dans bien des pays - aux USA de Mr Trump, en France, en Hongrie, en Pologne, en Belgique maintenant - des voix s'élèvent pour revendiquer une "identité" religieuse "judéo-chrétienne", parlant à son propos quelquefois de "tradition", pour l'opposer au "wokisme" qui diluerait dans du n'importe quoi les cultures, les appartenances, les religions, les orientations sexuelles, etc. Cette prétendue identité est alors brandie comme une idéologie censée soutenir la reconquête politique d'un pays : voyez, j'en ai déjà parlé ici même, les propos de Mr Zemmour, mais aussi ceux de Mr de Villiers, en France, voyez comment Mr Trump relit le dogme de l'Immaculée Conception ou comment Mr Vance, son vice-président, donne au pape Léon une leçon de théologie sur l'immigration, prétendument à partir des écrits de saint Augustin. Non : nous ne rêvons pas. Le monde politique reconstruit un religieux à sa mesure et le présente comme "la tradition" pour soutenir des projets électoraux de reconquête.

Eh bien... Non! Car ce qui est présenté là comme le "judéo-christianisme" n'est pas le christianisme, mais tout au plus le rêve d'une chrétienté restaurée. Du reste, commençons par dénoncer cette collusion entre "judéo" et "christianisme" : car si un peuple a, au cours de l'histoire occidentale, souffert de cette chrétienté, c'est bien le peuple juif! C'est que cette idéologie a toujours besoin d'un bouc-émissaire : pendant des siècles,  donc, les Juifs. Aujourd'hui, les musulmans, accusés de vouloir  le grand remplacement de notre belle civilisation envolée par les lois de l'Islam. (Parmi toutes les critiques contre la crèche de la Grand Place de Bruxelles, critiques émanant pour l'essentiel de ce petit milieu catholique, les plus stupides mais aussi les plus significatives accusaient cette oeuvre d'être une "crèche musulmane" voire "salafiste"...) Non, cela n'est pas le christianisme, car le christianisme, c'est... le Christ. Un Christ toujours dérangeant, comme il le fut de son vivant terrestre, toujours inclusif, et donc  toujours proche des exclus et des pauvres, des étrangers et des laissés pour compte, au point de faire du soin que l'on porte à ces personnes le seul critère d'entrée dans la Vie éternelle : le récit dit du "Jugement dernier", en Mt 25, est à cet égard sans appel, le Christ-Juge s'y identifiant précisément à celles et ceux que l'on a ainsi secourus.

Il n'y a pas de christianisme sans le Christ, sans ce Christ-là. Et rien n'est plus dangereux qu'une idéologie qui se ferait passer pour chrétienne en escamotant ainsi le coeur de la foi qu'elle prétendrait défendre ou promouvoir.  Il revient à l'Eglise de dénoncer pareille dérive, et de la dénoncer sans aucune concession, par ses prises de parole, ses catéchèses, ses homélies, ses enseignements, sa théologie. C'est sans doute le prochain grand défi auquel elle sera - auquel elle est déjà - nécessairement confrontée. On pense en effet trop souvent que la séparation de l'Etat et des cultes est à sens unique : que les religions s'abstiennent d'ingérence politique. Or, à toutes les époques - et l'identitarisme en est un nouvel exemple, à la nôtre - cette séparation doit être aussi vécue dans l'autre sens : que l'Etat et le monde politique s'abstiennent d'utiliser les religions ou le religieux, et surtout s'abstiennent de les détourner à leur profit. La tentation a toujours été grande : Constantin et Théodose, Clovis et Charlemagne, le gallicanisme des rois de France, le joséphisme des empereurs d'Autriche, les velléités de Napoléon, etc! A toutes les époques aussi, et en conséquence, l'Eglise doit donc résister fermement à ce dangereux césaro-papisme.

lundi 24 novembre 2025

Nos séminaristes

 Hier soir, j'ai eu la joie de recevoir chez moi les séminaristes francophones qui sont en dernière année (et donc en stage) au Grand Séminaire de Namur. Un par province, c'est-à-dire aussi par diocèse, pratiquement.

Je vois en eux des garçons qui ont de l'expérience et une grande maturité intellectuelle, spirituelle, ecclésiale et morale. Ils sont lucides sur l'état de l'Eglise en Belgique, et donc sur le rôle qu'elle peut jouer et le type de mission dans lequel elle peut s'engager. Ce sont des hommes de dialogue, de rencontre, de culture.

Certes ils ne sont pas nombreux. Mais avec eux, j'ai l'impression que l'Eglise à venir est dans de bonnes mains!

vendredi 31 octobre 2025

Contre Zemmour, pour Jésus...

 Dans son dernier (?) opus, La messe n'est pas dite. Pour un sursaut judéo-chrétien (Fayard), Eric Zemmour fait l'éloge d'un catholicisme institutionnel,  facteur d'ordre social pendant des siècles en Occident, et dont il regrette la quasi-disparition, tout en appelant à son sursaut politique. C'est une resucée des idées de Maurras, dans la première moitié du XXème siècle, fondateur de l' Action Française, et qui valut à cet écrivain par ailleurs talentueux l'excommunication par le pape Pie XI. La chanson était la même : oui à l'Eglise catholique, qui a su ériger un ordre social stable et qui doit continuer à le faire, mais non à Jésus, qui au contraire s'est affiché en contestataire de l'ordre social établi en son temps - et donc dans tous les temps.

Je pense très exactement le contraire : oui à Jésus, qui contestera toujours et Dieu merci les institutions qui le portent.

Contre Zemmour, donc. Mais oui à Jésus, pour toujours!

J'attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir...

 Cette formule du Concile de Nicée-Constantinople, nous la professons chaque dimanche ou solennité. Elle nous oblige, notons-le, à changer de verbe lorsque nous abordons les sujets de "l'au-delà", les sujets eschatologiques : la résurrection des morts et la vie du monde à venir! Nous ne disons plus simplement "Je crois", nous disons "J'attends" (Et exspecto...) Tout à coup, notre foi, comme pressée, se mue en espérance et nous voici comme tendus vers ces réalités dernières, qui mobilisent ainsi toute notre vie présente et la projettent dans un au-delà de l'ici et du maintenant, de l'espace et du temps.

C'est qu'il est bien difficile de parler de ces réalités dernières, qui appartiennent à l'au-delà du temps et de l'espace, eux qui nous contingentent si bien. Nous ne vivons sur cette terre que dans l'espace et dans le temps, et simplement imaginer un monde qui leur échappe, c'est pratiquement... impossible. L'éternité n'est pas un temps infini ou indéfini, mais l'absence du temps, l'absence d'espace : voilà ce que l'on dit quand on proclame que Dieu est "éternel". La vie éternelle, la vie en Dieu, c'est donc en effet la vie dégagée de ces contingences - telle est la vie de nos défunts. Inimaginable, mais bien réelle, en Dieu, qui est notre et leur éternité!

jeudi 9 octobre 2025

Panthéonisation, nouveaux évêques belges, chaos politique en France, etc...

 Voilà bien longtemps que je n'ai plus rien posté sur ce blog... Et pourtant, il y a de quoi dire!

Par exemple :

- aujourd'hui, on panthéonise à Paris Robert Badinter : on a raison! Cet "homme juste", sensible aux droits humains fondamentaux, s'est battu toute sa vie en juriste pour l'abolition de la peine de mort en France - combat gagné en 1981, au début du premier mandat présidentiel de François Mitterrand. Combat difficile: les sondages montraient qu'une majorité de Français étaient défavorables à cette mesure. Pour Badinter, juif marqué encore par la Shoah qui avait décimé sa famille, combat nécessaire, urgent. Combat qui reste nécessaire et urgent : des voix populistes voudraient réhabiliter la peine de mort, et c'est bien pour cela qu'on a raison de glorifier Badinter et de le faire entrer dans l'assemblée des "Saints républicains".

- d'autant que la France va mal. Le chaos politique est, non pas comme on le dit trop vite, le fait du Président actuel, mais le fait d'un délitement de la démocratie parlementaire qui, tiraillée par des ambitions personnelles et des populismes étroits et stupides, défaille. C'est une crise de régime, c'est une crise de la démocratie qui oublie ceci : ce régime n'est pas seulement constitué de décisions prises à la majorité, mais d'abord du respect de certaines valeurs communes, comme la vérité, l'égalité, la justice distributive, etc. Malheureusement, ce délitement s'observe dans d'autres grandes nations, qu'on croyait gardiennes de la démocratie : les Etats-Unis d'Amérique, où le mensonge d'Etat tient lieu de vérité politique, l'Italie où le fascisme n'est pas loin de renaître, Israël où l'agression  du voisin palestinien protège un régime de plus en plus totalitaire et militaire, etc. Urgence : protéger les démocraties!

- dans ce contexte international tendu, le Saint-Siège vient de nommer deux nouveaux évêques belges, Mgr Rossignol à Tournai, Mgr Lejeusne à Namur. Tous deux sont de jeunes missionnaires, et le message sous-jacent à leur nomination est clair : la Belgique est "terre de mission", les vieilles recettes cléricales d'autrefois sont obsolètes, passons à une nouvelle étape. Oui, c'est un geste fort. On prie pour eux, pour qu'ils soient soutenus dans leur découverte des paysages diocésains locaux, et suivis dans leurs initiatives pastorales. Ce n'est pas gagné!

- toujours dans contexte, le pape Léon publie sa première Exhortation Apostolique, Dilexi te : il rappelle que le souci des pauvres et des personnes précarisées n'est pas une option accessoire de la vie chrétienne, mais le lieu même - plus que la liturgie, le rite, la bonne doctrine ou la bonne morale, oui, le lieu même de la rencontre de Dieu, du moins pour un disciple du Christ.  A bon entendeur...

samedi 23 août 2025

Une vie réussie : funérailles du P. Hugo

 Je rentre à l'instant des funérailles organisées à la paroisse Saint-Roch pour le Père Hugo Vangeel, missionnaire du Sacré Coeur, qui a été en poste au Congo, au Cameroun et ici à Bruxelles, notamment curé de ladite paroisse. J'y représentais l'archevêque, au milieu de confrères sincèrement émus par le départ de Hugo et d'une communauté très africaine, qui a montré un  visage d'Eglise priant, enthousiaste, chaleureux.

Hugo a été un prêtre simple et joyeux, accueillant la misère dans un coeur grand comme le monde. Dans tous les endroits où il est passé, il a accueilli et recueilli les sans papiers, les sans domicile fixe, les migrants, les paumés, les perdus  -  des perdus pour lesquels il a été un "sauveur" et très certainement l'image concrète du Sauveur.

Le Peuple de Dieu qui se pressait ce matin dans l'église, peuple de gens simples et modestes, a manifesté en priant et en chantant sa reconnaissance pour une vie donnée.

C'est-à-dire, pour une vie réussie. Car on peut bien "réussir" dans la vie, cela c'est une question de chance et tant mieux si cela arrive, même si ce n'est pas toujours gage de bonheur. Mais autre chose est de "réussir sa vie", et pour cela, il n'y a qu'un moyen : la donner, sans rien en retenir.

Hugo a été pour nous, ce matin, le modèle d'une vie réussie.

jeudi 14 août 2025

Corps glorifié ou chair à canon?

 Demain, solennité de l'Assomption. La Vierge Marie, pleinement femme et pleinement "humaine", est présente dans la gloire de Dieu avec un corps incorrompu. Elle figure ainsi notre destinée, le rêve de Dieu sur l'humanité, sur chaque être humain, dont le corps n'est pas seulement un vêtement provisoire qu'on enlèverait au moment de mourir pour le laisser pourrir en terre ou disparaître dans les flammes d'un crématoire. L'être humain, chaque être humain - vous, moi - non pas "a" un corps mais "est" un corps, et ce corps comme le reste de la destinée qu'il porte (âme, esprit, sensibilité, ...) est promis, donc - voilà ce que nous enseigne l'Assomption - à être "assumé" dans la gloire de Dieu.

Ce corps humain transfiguré déjà en Jésus, ressuscité avec lui, nous le considérons pourtant comme quantité négligeable. Oh, nous le nourrissons, bien sûr, trop et mal dans nos pays, et pas assez dans une majorité d'autres. Nous le fardons, l'habillons, quelquefois le bodybuildons, le voulant être l'expression de nos rêves de beauté, de séduction, de puissance. Nous déplorons les faiblesses de son vieillissement, au point de préférer parfois disparaître tout entiers quand il devient trop souffrant ou même trop décevant. Nous considérons trop peu sa fin, pour bien le traiter : sa fin est glorieuse, il est nous, il nous porte et nous constitue, et s'il disparaît à la mort devant nos yeux de chair, il est présent en creux dans nos destinées éternelles. 

Il n'y a pas plus "charnel" que la célébration de l'Assomption, qui donne au corps humain sa véritable consistance, parce qu'elle lui donne sa véritable destinée. Celle d'une femme incorrompue, qui porte encore aujourd'hui, comme une Mère d'humanité nouvelle, cette assomption qu'au fond de nous, au plus intime, nous espérons tous.